Un véritable exode: des milliers de Mexicains venus chercher du travail à Ciudad Juarez, à la frontière des États-Unis, fuient maintenant cette ville devenue la capitale du crime organisé et le théâtre principal de la «guerre des cartels» de la drogue.

C'est à Ciudad Juarez, 1,3 million d'habitants face à El Paso au Texas, que les règlements de compte entre les trafiquants et leurs affrontements avec l'armée et la police sont les plus meurtriers. Ils ont fait plus de 2700 morts cette année, un record.

Dans tout le Mexique, la «guerre des cartels» a fait officiellement 28 000 morts depuis la prise de fonctions du président Felipe Calderon, en décembre 2006. Jamais, là encore, on n'avait enregistré un tel bilan.

«Il a fallu laisser la maison vide, elle était presque entièrement payée, mais de toutes façons c'était ça ou risquer de se retrouver au milieu d'une fusillade», explique Diego Ramirez, un ouvrier, avant de monter avec ses enfants et la grand-mère de 76 ans dans un avion loué par les autorités de sa région d'origine, Veracruz.

Cette année, près de 2300 habitants de Ciudad Juarez originaires de cette région et notamment des environs de sa capitale Veracruz, sur la côte atlantique, sont montés à bord des avions affrétés par leur gouvernement régional pour rentrer là d'où ils venaient.

«Une mesure totalement gratuite décidée à la suite de multiples demandes de ces résidents», a-t-on expliqué à l'AFP au Service des migrations à Veracruz.

Ils étaient allés travailler dans les usines des zones franches créées à la frontière après la signature du Traité de libre échange avec les États-Unis et le Canada en 1994.

Diego Ramirez avait emprunté pour acheter sa maison, et maintenant il ne sait pas trop ce qu'elle va devenir: «j'ai laissé la clef à des voisins, ils vont essayer de la louer». Au pays, là où il va rentrer, ses frères lui ont promis du travail dans un atelier.

Les derniers vols gratuits pour quitter Ciudad Juarez et rentrer à Veracruz datent de la fin novembre, mais des milliers d'autres «Veracruzanos» sont rentrés par leurs propres moyens.

Au total, ils sont 14 000 à être revenus de quelque 60 localités frontalières, estime Daniel Badillo, responsable du Programme d'aide aux migrants de l'État de Veracruz.

Près de 33 000 logements ont ainsi été abandonnés à Ciudad Juarez, par les gens de Veracruz et du reste du pays, selon une étude publiée mercredi par l'Université autonome de Juarez.

«Nous voulions rester jusqu'à Noël, mais il vaut mieux partir avant. Maman pense que de la sorte elle pourra respirer tranquillement quand je sors avec mes amies», explique Rosa, une adolescente.

Les fêtes de fin d'année, elle les passera avec ses cousines, à Tlacotalpan.

Ses parents avaient quitté il y a une dizaine d'années ce port fondé par les Espagnols au XVIe siècle près de Veracruz et inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco pour son architecture coloniale.

Il avait dû être évacué par une grande partie de ses habitants en septembre dernier en raison d'inondations provoquées par des pluies exceptionnelles.