Les dirigeants de plusieurs pays d'Amérique latine aux premières lignes de la lutte contre les drogues ont affirmé, mardi, que l'éventuelle légalisation de la marijuana en Californie enverrait un message contradictoire des États-Unis.

Les élections du 2 novembre en Californie se trouvaient au centre du sommet du Groupe de Tuxtla, qui a eu lieu mardi à Carthagène, en Colombie. Le sommet d'un jour a rassemblé les présidents de Colombie, du Mexique, du Honduras, du Guatemala et du Costa Rica.

Selon le président colombien Juan Manuel Santos, si les Californiens approuvent la Proposition 19 sur la légalisation de la marijuana, cela entraînera une révision des principes qui soutiennent depuis longtemps les efforts visant à combattre les drogues en Amérique latine, avec l'appui de Washington.

Lors d'une entrevue diffusée dimanche par la radio colombienne Caracol, le président Santos s'est demandé comment il pouvait dire aux fermiers de son pays que s'ils cultivent de la marijuana, ils iront en prison, alors que dans l'État le plus riche des États-Unis, il pourrait être légal de produire, de vendre et de consommer cette substance.

Des responsables de l'administration Obama ont fait savoir que le gouvernement fédéral continuerait de mener ses politiques de lutte contre les drogues et qu'il évaluait ses options pour répondre à une éventuelle légalisation de la marijuana en Californie, ce qui entrerait en conflit avec les lois fédérales, qui considèrent cette substance comme une drogue illégale.

M. Santos a discuté de cette question durant une rencontre, lundi, avec le secrétaire d'État adjoint américain James Steinberg, qui a confirmé l'opposition de Washington à la légalisation de la marijuana et promis de maintenir la coopération antidrogue avec la Colombie.

«Il est confondant pour nos peuples de voir que pendant que nous perdons des vies et investissons des ressources pour combattre le trafic de drogues, des initiatives comme le référendum de Californie sont promues dans les pays consommateurs», a déclaré M. Santos mardi dans un discours.

«Si nous n'agissons pas de façon systématique dans ce dossier, si nous envoyons nos citoyens en prison alors que sous d'autres latitudes, le marché est légalisé, alors nous devrions nous demander: le temps n'est-il pas venu de réviser notre stratégie globale envers les drogues?» a dit M. Santos.

Le président mexicain Felipe Calderon a fait écho aux propos de son homologue colombien, sans toutefois mentionner spécifiquement la Californie.

«Il n'est pas possible de faire face efficacement (au trafic de drogues) de façon isolée à l'intérieur de nos frontières nationales», a dit M. Calderon.

Dans une récente entrevue avec l'Associated Press, M. Calderon avait affirmé que le vote sur la Proposition 19 en Californie reflétait la «terrible incohérence» de la politique américaine sur les drogues.

«Ils ont exercé des pressions et demandé pendant des décennies que le Mexique et d'autres pays contrôlent, réduisent et combattent le trafic de drogues, et il n'y a aucun effort perceptible pour réduire la consommation de drogues aux États-Unis», a affirmé M. Calderon à l'Associated Press.

À Washington, le porte-parole du département d'État, P.J. Crowley, a affirmé aux journalistes que les responsables américains comprenaient qu'il s'agissait d'une source d'inquiétude. «Nous comprenons évidemment que ce qui est proposé en Californie pourrait entrer en conflit avec les lois fédérales, et nous allons travailler sur ces questions en fonction de ce qui se produira la semaine prochaine», a dit M. Crowley.

La présidente du Costa Rica, Laura Chinchilla, a elle aussi estimé, lors d'une entrevue à la radio Caracol, que la mesure proposée en Californie envoyait un «message contradictoire dans la lutte contre la drogue».

«Si nous pensons que chaque pays peut faire face à ce problème seul, nous nous trompons», a-t-elle déclaré.

La Proposition 19 soumise aux électeurs de Californie propose de légaliser l'usage récréatif de la marijuana et de permettre aux adultes âgés de plus de 21 ans de posséder jusqu'à 28 grammes de la substance. Les résidants pourraient cultiver des jardins de marijuana d'une superficie maximale de 25 pieds carrés (2,3 mètres carrés) sur leur propriété privée. Les villes et les comtés devraient décider s'ils permettent la vente et la taxation de la marijuana.

Les récents sondages montrent que le soutien des électeurs à la Proposition 19 s'amenuise. Un sondage mené par le Public Policy Institute of California révèle que la proposition est soutenue par 44 pour cent des électeurs, alors que près de la moitié des sondés ont affirmé qu'ils voteraient contre.

Le sondage téléphonique a été mené du 10 au 17 octobre et comporte une marge d'erreur de 3,5 points de pourcentage.

Le résultat du vote pourrait bien dépendre du taux de participation des jeunes électeurs, qui sont largement en faveur de la Proposition 19, selon les sondages.