La campagne présidentielle brésilienne s'est durcie devant la remontée du social-démocrate José Serra face à Dilma Rousseff, la dauphine de Lula, arrivée en tête au premier tour et qui accuse son adversaire de brandir l'épouvantail de l'avortement.

La question des valeurs religieuses et morales domine la campagne du second tour, mettant en difficulté la candidate du Parti des Travailleurs (PT, gauche) et favorisant l'ancien gouverneur de Sao Paulo.

Lundi, Mme Rousseff s'est rendue «à titre personnel», selon son comité de campagne, à la basilique de Notre-Dame d'Aparecida (État de Sao Paulo), à la veille de la fête de cette sainte patronne du Brésil.

Son adversaire y est attendu mardi, à l'invitation des autorités religieuses locales, pour assister à une messe qui attire tous les ans plus d'un million de fidèles.

Un sondage de l'institut DataFolha diffusé samedi soir, montre que sept points séparent maintenant Mme Rousseff pour le second tour le 31 octobre avec 48% et 41% respectivement des intentions de vote. À la veille du premier tour, il y a huit jours, l'écart était de douze points.

«L'effet Marina Silva», la candidate écologiste et évangéliste qui a recueilli vingt millions de voix et forcé Dilma Rousseff à un ballottage surprise, a mis la religion au coeur du débat, un phénomène sous-estimé par le comité de campagne de Mme Rousseff au premier tour.

Sur internet comme dans de nombreux temples évangéliques ou églises, Mme Rousseff a été attaquée pour sa position en faveur de la légalisation de l'avortement. L'interruption de grossesse n'est autorisée que dans deux cas au Brésil, le plus grand pays catholique du monde: en cas de danger pour la vie de la mère ou après un viol.

Selon le sondage de DataFolha, 51% des électeurs de Marina Silva ont l'intention de se reporter sur M. Serra contre 22% sur Mme Rousseff.

Au cours des derniers jours, Mme Rousseff a ainsi fait un appel du pied aux électeurs religieux en se disant «avant tout en faveur de la vie».

Lors du premier débat télévisé dimanche soir, les deux candidats ont montré une agressivité contrastant avec le ton feutré des échanges du premier tour. M. Serra a accusé d'emblée Mme Rousseff d'avoir «deux visages»: «Vous étiez en faveur de la légalisation de l'avortement en 2007 et plus maintenant», a-t-il dit, en s'étonnant qu'elle soit maintenant devenue «dévote».

Elle a répliqué en accusant son adversaire de mener une campagne de «mensonges et de calomnies» contre elle. «Le Brésil est habitué à la tolérance (...), ce pays ne connaît pas la haine religieuse, ni ethnique, ni culturelle», a-t-elle lancé.

La candidate du PT et son adversaire ont croisé le fer sur les privatisations, la corruption et la sécurité. Mais ont peu parlé de leurs propositions. «Il vaudrait mieux descendre du ring et monter sur l'estrade» pour que les deux candidats exposent clairement leur programme, a regretté Marina Silva sur Twitter.

Selon l'analyste politique André Pereira (Consultora CAC), le ton adopté dimanche soir sera celui de tout le second tour: «Il n'y a plus que deux candidats et cette agressivité sera la caractéristique des débats».