Le gouvernement cubain de Raul Castro devait lancer officiellement cette semaine les procédures de suppressions de 500 000 postes du secteur public d'ici la fin du premier trimestre 2011, les départs les plus massifs depuis la Révolution de 1959 qui suscitent l'inquiétude.

«C'est certain que certaines familles seront affectées par cette mesure mais à leurs côtés sera la Révolution humaniste», a assuré l'organe officiel du Parti communiste cubain (unique), Granma.

Mais Clara, une ingénieure de 39 ans, et son mari Pedro, 42 ans, sont très inquiets de la fusion annoncée de trois entreprises dépendant du ministère des Transports où ils travaillent.

«C'est elle qui gagne le plus et si elle est congédiée, nous devrons vivre avec seulement mon salaire jusqu'à ce qu'elle trouve quelque chose», dit Pedro qui touche environ 18 dollars par mois.

Au total, ce sont un peu plus d'un million de postes du secteur public qui doivent être supprimés au cours des trois prochaines années pour réduire les dépenses d'un État à court d'argent qui emploie actuellement 84% des cinq millions de travailleurs cubains.

Le gouvernement cubain mise sur l'intégration de 465.000 fonctionnaires au sein du secteur privé et facilitera pour ce faire l'octroi de licences pour les travailleurs indépendants, au nombre de 144.000 actuellement, dans 178 métiers et coopératives.

Pour la première fois depuis les nationalisations forcées des petits commerces en 1968, les Cubains pourront embaucher d'autres travailleurs indépendants sans lien de parenté avec eux.

Ces mesures ont été accueillies par certains Cubains comme une opportunité pour travailler à leur compte et augmenter leur niveau de vie, mais avec inquiétude par d'autres alors que le système de paiement d'impôts reste flou et que l'accès au crédit bancaire pour les particuliers est toujours à l'étude par les autorités.

«On ne parle que de ça dans les rues, les gens sont préoccupés», dit Maria, une retraitée.

Pour tenter de calmer les inquiétudes, le Syndicat unique cubain et les Comités de défense de la Révolution (CDR), une organisation civile considérée comme les «yeux et les oreilles» du régime, ont organisé des milliers de réunions à travers le pays pour tenter d'expliquer les mesures.

Des «comités d'experts», formés d'employés, ont alors été créés et ce sont eux qui doivent suggérer à l'administration les noms de ceux qui doivent être «mis en disponibilité» et qui seront annoncés lors d'une assemblée générale de l'entreprise.

«Il faut voir comment seront mises en application ces transformations: si cela se fait de façon technocratique, sans consensus réel ni tenir compte des intérêts légitimes de divers secteurs sociaux, alors cela pourrait être fatal pour le projet socialiste», estime l'intellectuel José Vidal.

Les travailleurs «mis en disponibilité», ou congédiés, recevront dans certains cas d'autres offres de travail dans le secteur public, surtout dans les secteurs de l'agriculture et de la construction qui manquent cruellement de main d'oeuvre.

Les personnes remerciées recevront un mois complet de salaire en indemnisation et pourront toucher 60% de leur salaire de base pour une période maximale de cinq mois si elles ne trouvent pas d'ici là un autre emploi.

Les autorités cubaines espèrent avec ces mesures encourager les Cubains qui travaillent sur le gigantesque marché noir à légaliser leurs activités, mais dans les faits c'est le contraire qui risque de se produire en raison des congédiements massifs, selon l'économiste dissident Oscar Espinosa.