Le président Rafael Correa sort apparemment renforcé de la révolte policière pendant laquelle il a été sequestré plusieurs heures jeudi avant d'être libéré par l'armée, mais cette rébellion a mis en lumière la vulnérabilité du chef de l'État équatorien, selon des analystes.

Rafael Correa, économiste de 47 ans au pouvoir depuis janvier 2007, a été retenu pendant près d'une demi-journée dans un hôpital de la police à Quito, où il s'était initialement réfugié après avoir essuyé des gaz lacrymogènes.

Il a pu être libéré au terme d'une opération militaire qui s'est soldée par la mort de quatre personnes, et a quitté l'hôpital au milieu d'un échange nourri de tirs, qui a laissé cinq impacts de balle sur son véhicule.

Les policiers avaient auparavant occupé le Congrès et leur principale caserne dans la capitale pour le forcer à renoncer à une loi réduisant les primes à l'ancienneté des fonctionnaires, dont les salaires ont été nettement augmentés depuis son arrivée au pouvoir.

Selon le chef de l'État, qui a annoncé jeudi soir qu'il ne ferait pas marche arrière sur cette réforme rendue selon lui indispensable par l'état déplorable des finances publiques, «la démocratie est sortie renforcée» de cette crise, qui n'a pas permis à l'opposition de faire aboutir le coup d'État qu'elle fomentait.

Cette crise, la plus intense depuis qu'il est au pouvoir, «l'a rendu plus fort, car il a été libéré sans conditions», a estimé Simon Pachano, chercheur à la Faculté latinoaméricaine des sciences sociales.

Mais, ajoute ce spécialiste, il pourrait ne s'agir que d'une victoire à court terme.

«La rébellion a mis en lumière la vulnérabilité» du chef de l'État, a pour sa part estimé la directrice de l'Observatoire politique de l'université catholique de Quito, Patricia de la Torre.

Rafael Correa, réélu pour quatre ans en avril 2009 au terme d'un scrutin découlant de l'adoption d'une nouvelle Constitution, détient un record de longévité au pouvoir dans ce pays notoirement instable. Depuis 1996, les Équatoriens ont vu défiler sept chefs de l'État renversés par des coups d'État, des destitutions ou des révoltes populaires.

La crise de jeudi prouve toutefois que «la fragilité des institutions persiste» en dépit de l'adoption en 2008 d'une nouvelle Constitution dotant le chef de l'État de pouvoirs élargis.

Elle révèle aussi des lacunes en matière de dialogue social, estime Hernan Reyes, politologue à l'Université andine de Quito.

En outre, Rafael Correa a semblé perdre les nerfs, arrachant sa cravate, puis descendant de son véhicule pour discuter vivement avec des manifestants.

«Il a fait preuve d'imprudence (...) avant d'être maltraité par des représentants de l'État, ce qui peut porter atteinte à son autorité», dit ce spécialiste.

Dans ce contexte, Rafael Correa affronte un dilemme: poursuivre sur la voie de son allié vénézuélien Hugo Chavez qui a radicalisé sa révolution socialiste après le coup d'État l'ayant renversé pendant quelques heures en avril 2002, ou infléchir sa position.

«Je pense qu'il ne va pas faire marche arrière. Il ne recherchera aucun accord. C'est ce qu'il a dit et l'on peut donc s'attendre à une radicalisation», estime Simon Pachano.

Pour Hernan Reyes, Rafael Correa devrait au contraire changer fondamentalement sa manière de dialoguer avec la société civile, car il ne peut «continuer à diviser».

Bien qu'il jouisse d'un taux d'approbation de 53% selon un sondage Cedatos Gallup publié mi-septembre, «peu de gens l'ont finalement défendu» dans les rues de la capitale, note cet expert.