Une certaine normalité régnait vendredi en Équateur au lendemain d'une rébellion policière qualifiée par le président Rafael Correa de «tentative de coup d'État», qui s'est soldée par la mort de dix personnes dans un bilan revu samedi, lors d'affrontements entre policiers et militaires.

Selon la présidence, Rafael Correa a repris vers 09h00, heure locale (11h00, heure de Montréal) ses activités, sous haute garde de l'armée, qui a instauré un périmètre de sécurité élargi autour du palais présidentiel à Quito.

Douze heures plus tôt, le président quittait l'hôpital où il était retenu depuis la mi-journée, protégé par des militaires et une unité de police d'élite, au milieu d'un échange nourri de tirs avec les rebelles, diffusé en direct par les télévisions.

Selon le ministère de la Santé, trois morts ont été enregistrés à Quito et cinq autres à Guayaquil, la deuxième ville du pays (sud-ouest), dans ces violences motivées, selon les manifestants, par l'adoption d'une loi réduisant les primes à l'ancienneté au sein des forces de l'ordre.

Le ministère, qui fait état de 274 blessés, ajoute que les 10 morts sont à la fois des soldats et des civils.

Un soldat de 22 ans ayant participé à l'opération de sauvetage du président, en état de mort cérébrale, est décédé samedi, a-t-on appris auprès d'un responsable de l'hôpital des Forces armées de Quito où il était hospitalisé.

Samedi matin, le président Rafael Correa a pour sa part évoqué quatre autres personnes décédées à Quito, aux abords de l'hôpital où il a été retenu pendant une demi-journée jeudi, dont deux policiers, un soldat et un étudiant de 24 ans. Ces cinq personnes ont toutes été tuées lors de l'opération militaire visant à «libérer» le chef de l'Etat.

Cinq autres, tous des civils, sont mortes dans les violences entraînées par la rébellion à Guayaquil, ville portuaire située à 280 km au sud-ouest de Quito, selon le ministère de la Santé.

Le gouvernement a décrété trois jours de deuil national.

Vendredi matin, le chef de la police Freddy Martinez a présenté sa démission pour n'avoir pas su éviter la rébellion et assuré qu'un «calme relatif» régnait au sein de l'institution de quelque 40 000 membres.

Le Congrès, occupé jeudi par des policiers, et l'aéroport international, bloqué par un groupe de militaires, fonctionnaient normalement vendredi, selon des journalistes de l'AFP.

La police va «chercher à se réconcilier avec la société» équatorienne, a assuré le ministre de l'Intérieur.

Selon son vice-ministre Edwin Jarrin, interrogé par l'AFP, seuls 600 policiers ont participé à cette révolte à Quito et dans cinq des 24 provinces du pays.

Une source proche de la rébellion a pour sa part estimé qu'au moins 2300 agents s'étaient joints au mouvement dans la capitale, un chiffre corroboré par des photographes et journalistes de l'AFP.

Rafael Correa a reçu des témoignages de solidarité de l'ensemble de ses pairs de l'Union des nations sud-américaines (Unasur), rassemblant onze pays outre l'Équateur. Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, avec qui il s'est entretenu par téléphone, a salué le retour au calme, ajoutant qu'«en Amérique latine, la démocratie n'est plus en danger».

Le président socialiste devait recevoir vendredi soir une délégation de ministres des Affaires étrangères membres de l'Unasur, venus lui exprimer leur soutien, ainsi que le secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA) José Miguel Insulza.

À Washington, le département d'État a fait état d'un appel de la chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton à M. Correa, également pour lui manifester la solidarité des États-Unis.

Le président de l'Union européenne (UE) Herman Van Rompuy s'est pour sa part dit «rassuré» sur la situation dans ce pays andin de 14 millions d'habitants, ajoutant que l'UE soutenait «pleinement» Rafael Correa.

Ce fut «l'un des jours les plus tristes de ma vie», avait lancé la veille Rafael Correa à ses partisans, accourus aux abords du palais présidentiel après sa «libération».

M. Correa a désigné Lucio Gutierrez, ancien putschiste élu président puis renversé en 2005, comme l'un des instigateurs de la rébellion, ce que ce dernier a démenti.

Rafael Correa, au pouvoir depuis janvier 2007, a multiplié les programmes sociaux dans ce pays où 38% de la population vit sous le seuil de la pauvreté avant de voir sa popularité s'effriter ces derniers mois.

Depuis plusieurs mois, il affrontait la fronde de divers secteurs de la société, dont les indigènes et les enseignants, ainsi que des divisions au sein même de sa majorité.