«La guerre bat son plein», commente le chef de l'un des gangs de Medellin, deuxième ville de Colombie, où les conflits entre bandes rivales ont fait exploser depuis un an les taux d'homicide.

«Ça brûle. Nous étions parvenus à une trêve, mais l'autre camp l'a rompue et nous en sommes au même stade», explique «Pepe», âgé d'une vingtaine d'années, leader d'un «combo» (gang) de la commune 13 de Medellin, l'un des quartiers défavorisés à flanc de montagne de cette ville de 2,3 millions d'habitants située à 400 km au nord-ouest de Bogota.

Pour pouvoir discuter avec Pepe, il faut montrer patte blanche. Obtenir le feu vert de deux ou trois autres chefs de bande pour qu'ils autorisent le transit sur leurs «territoires».

Des guides se relayent, d'un «territoire à l'autre» et de temps en temps invitent à presser le pas, voire à passer tête baissée, car les balles peuvent venir de n'importe où.

On finit par arriver dans une maisonnette sans meubles, juste un matelas sous lequel Pepe a dissimulé quelques armes.

La bande de Pepe est indignée. Depuis quelques semaines, assure-t-il, les membres du gang rival - installé seulement à un kilomètre de là - ont tué deux jeunes hommes, des «gens bien, qui ne cherchaient de noises à personne».

L'un d'entre eux s'appelait Andrés Medina et avait 24 ans. Il s'était investi dans des projets culturels destinés à détourner les plus jeunes de la violence.

«Il était assis et attendait un ami lorsqu'ils lui ont tiré dessus. Ils pensaient qu'il était des nôtres», dit Pepe en traitant ses adversaires de chiens.

Seul Pepe s'exprime. Les autres approuvent. Il assure que lui et ses compagnons ont une «mission»: protéger leur territoire. Ils promettent aussi n'appartenir à aucune organisation de narcotrafiquants comme l'affirme la police, qui assure que la guerre est ouverte pour le contrôle de ces trafics.

«D'abord c'était la guérilla, puis les paramilitaires et maintenant des lâches qui tentent de nous virer. Mais nous n'avons pas peur. On sait comment les attaquer et au pire, on meurt», lâche un autre membre de la bande.

Le taux d'homicides à Medellin - ancien fief de Pablo Escobar qui se targuait d'avoir retrouvé sa tranquillité - atteint désormais 94 pour 100 000 habitants, l'un des plus élevés du monde.

La guerre des gangs fait rage et ni la police, ni l'armée arrivent à faire taire les armes, même en plein jour.

Le maire de Medellin Alonso Salazar a décidé de déplacer son bureau cette semaine dans l'une de ses communes (les quartiers pauvres, ndlr) et a lancé un appel au gouvernement pour qu'il «prenne des mesures extraordinaires».

Selon le maire, 70% des quelque 1100 homicides commis dans la ville depuis le début de l'année sont liés aux affrontements de ces bandes qui ne se disputent pas seulement le territoire local, mais surtout les routes (de la drogue) vers la côte des Caraïbes notamment.

Pour cela, les narcotrafiquants «manipulent les jeunes. Il ne s'agit plus de violence spontanée. On leur fournit la logistique, les armes», se lamente-t-il.