L'Église catholique du Chili a proposé  mercredi de gracier à certaines conditions des soldats coupables de violations des droits de l'homme sous la dictature (1973-1990), provoquant la colère des proches des 3 000 personnes tuées ou disparues sous le régime militaire.

«Tous n'ont pas eu la même responsabilité dans les crimes commis. Une grâce généralisée nous semble aussi inadaptée que de refuser en bloc de gracier tous les anciens membres des forces de l'ordre condamnés» pour des crimes commis sous la dictature, déclare l'Église dans sa proposition remise à Sebastian Pinera, premier président de droite depuis le retour de la démocratie.

«Il faut distinguer le degré de responsabilité de chacun, le degré de liberté avec lequel il agi, les gestes d'humanité dont il a fait preuve et les regrets qu'il a exprimés pour ses délits», ajoute-t-elle.

«Le président va prendre une décision reposant sur des critères de vérité, de justice, d'unité nationale, de sécurité citoyenne et des considérations humanitaires», a précisé la secrétaire générale du gouvernement Ena Von Baer.

Des centaines de personnes, brandissant des photos de proches tués ou disparus sous la dictature du général Augusto Pinochet, ont manifesté autour du palais présidentiel lors de la remise de cette demande de grâce pour «raisons humanitaires» à l'occasion du bicentenaire de l'indépendance du Chili, commémoré le 18 septembre.

Elle concerne des détenus malades, âgés ou ayant accompli la majorité de leur peine.

«Nous avons écouté monseigneur (Alejandro) Goic (président de la Conférence épiscopale du Chili) dire qu'ils n'allaient exclure personne de cette proposition. Cela veut donc dire qu'ils incluent des personnes qui ont violé les droits de l'homme, ce qui est inacceptable», s'est emportée Lorena Pizarro, présidente de l'Association des proches de détenus disparus.

Environ 3000 personnes sont mortes ou disparues sous la dictature. Plus de 500 militaires de l'époque sont poursuivis pour violations des droits de l'homme.

Le but «n'est pas de rouvrir les graves blessures d'hier ni de prétendre qu'elles peuvent se refermer par décret», a précisé Mgr Goic.

«Nous croyons que l'on peut faire des gestes de clémence dans le cadre de l'État de droit», a-t-il ajouté.

La droite au pouvoir a salué la proposition.

«L'Église fait preuve de compassion de manière uniforme. Il n'y a pas de catégories en matière de compassion», a déclaré le président de Rénovation nationale, Carlos Larrain.

L'opposition de centre-gauche, qui a largement souffert de la répression après le coup d'État de Pinochet contre le président socialiste Salvador Allende, est en revanche indignée.

«Je rejette en bloc cette demande. Quand on invoque la miséricorde, c'est précisément celle que n'ont pas eu les auteurs de violations des droits de l'homme à l'endroit de leur victimes», a déclaré à l'AFP le député Jorge Tarud.

L'Église chilienne, divisée sous le régime militaire, conserve une forte influence dans ce pays laïc de 16,8 millions d'habitants, où 72% des personnes se disent catholiques.