L'opposant cubain Guillermo Farinas a mis un terme jeudi à 135 jours de grève de la faim après l'annonce des libérations prochaines de 52 détenus politiques sous la médiation de l'Eglise catholique qui sort renforcée de cette première crise sous la présidence de Raul Castro.

«Guillermo Farinas met un terme à sa grève de la faim et de la soif à partir de maintenant», a annoncé l'opposante Gisela Delgado sous les cris de joie d'opposants réunis devant l'hôpital de Santa Clara (centre) où le cyberjournaliste de 48 ans est traité depuis mars.

L'opposant Hector Palacios a lu une déclaration dictée et signée par M. Farinas dans laquelle il laisse entendre qu'il pourrait toutefois reprendre sa grève si les 52 prisonniers n'étaient pas tous libérés dans le délai de quatre mois promis par les autorités à l'Eglise, médiatrice dans ce dossier.

Cinq d'entre eux ont déjà été prévenus et doivent être libérés dans les «prochains jours» afin de partir avec leur famille pour l'Espagne, selon un communiqué de l'Eglise catholique.

«Cette confrontation entre démocrates et antidémocrates n'a fait ni vainqueurs ni vaincus. C'est Cuba qui a gagné», a dit M. Farinas selon le texte lu par M. Palacios.

«Je suis venue à Santa Clara pour dire à Farinas qu'il était sorti victorieux de ce bras de fer avec les autorités», a dit à l'AFP la jeune bloggeuse Yoani Sanchez rappelant que Farinas réclamait la libération de 26 prisonniers politiques malades.

Guillermo Farinas avait entamé son 23e jeûne de protestation le 24 février, au lendemain de la mort controversée d'un détenu d'opinion en grève de la faim, une affaire sans précédent depuis 40 ans qui avait causé de vives tensions à Cuba.

L'Eglise avait déjà obtenu le mois dernier la libération du plus malade des prisonniers de conscience, Ariel Sigler. Elle a fait son annonce mercredi après une rencontre entre le président Raul Castro, le cardinal Jaime Ortega et le chef de la diplomatie espagnole Miguel Angel Moratinos.

Fait rarissime, la presse cubaine, sous contrôle de l'Etat, a publié jeudi le communiqué intégral de l'Eglise sur la libération prochaine de «52 prisonniers», sans mentionner toutefois qu'il s'agissait de détenus politiques.

«L'Eglise a joué un rôle crucial pour dénouer cette crise. Elle a certes permis au gouvernement de se tirer d'une mauvaise passe, mais il y a un dialogue en cours, une ouverture possible pour des changements» dans ce pays traversant une crise socio-économique, a estimé l'ancien détenu politique Oscar Espinosa.

Il s'agit du plus important processus de libérations depuis que Raul Castro a succédé à son frère Fidel il y a quatre ans. Ce dernier avait libéré en 1998 une centaine de détenus politiques peu après la visite historique du pape Jean Paul II sur l'île communiste.

La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a salué cette annonce «tardive, mais bienvenue».

Les Etats-Unis exigent des réformes démocratiques à Cuba afin de lever leur embargo, en vigueur depuis 48 ans.

De son côté, le gouvernement mexicain a exprimé sa «grande satisfaction» à l'annonce de la libération des prisonniers politiques et de la grève de la faim de M. Farinas.

Les opposants cubains sont considérés par La Havane comme des «mercenaires» à la solde des Etats-Unis. Cuba détient depuis début décembre un sous-traitant américain accusé de fournir du matériel de communications à l'opposition.

L'Union européenne a elle aussi salué la décision de La Havane et exprimé l'espoir que tous les prisonniers politiques cubains soient libérés, qui resteront une centaine à l'issue du processus annoncé.

L'organisation Amnesty International a déploré le délai imposé pour la libération de ceux qu'elle considère tous comme des prisonniers de conscience.