Le chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, a implicitement promis mardi à Cuba une normalisation de ses relations avec l'Union européenne si des détenus politiques étaient libérés, à un moment où un opposant gréviste de la faim se trouve dans un état très grave.

M. Moratinos s'est déclaré «convaincu» que sa visite donnerait des résultats «positifs» qui «logiquement convaincront» ses pairs de l'Union européenne d'«abandonner la position commune» concernant l'île communiste, au début d'un entretien avec son homologue cubain Bruno Rodriguez.

La question des prisonniers n'a pas été évoquée devant la presse.

Cuba considère cette «position commune», qui lie depuis 1996 la coopération au respect des droits et libertés, comme une «ingérence» et un «obstacle insurmontable» à la normalisation des relations avec l'UE, a rappelé M. Rodriguez en remerciant Madrid de son soutien.

M. Moratinos devait aussi être reçu par le cardinal Jaime Ortega, chef de l'Église catholique de Cuba qui a entamé en mai dernier un dialogue inédit sur le sort des prisonniers politiques avec le gouvernement de Raul Castro.

Jusqu'à présent, ce dialogue a permis le mois dernier la libération d'un détenu politique paraplégique, Ariel Sigler, et le transfèrement de douze autres prisonniers dans leur province d'origine.

Une trentaine d'autres prisonniers politiques - sur les 167 que compte au total le pays - pourraient bénéficier d'une libération dans un délai toutefois indéterminé, selon la Commission cubaine pour les droits de l'Homme, une organisation illégale, mais tolérée par le pouvoir communiste.

 «Je ne crois pas que Moratinos soit venu pour repartir les mains vides. Il est venu avec la promesse qu'il pourra montrer des résultats en vue d'éliminer la position commune», a estimé Elizardo Sanchez, à la tête de la Commission.

La visite de M. Moratinos est d'autant plus importante pour des dissidents qu'elle survient en pleine dégradation de l'état de santé du cyberjournaliste Guillermo Farinas, en «danger de mort», avertit son médecin, après plus de quatre mois de grève de la faim.

Hospitalisé depuis mars à Santa Clara (centre), M. Farinas, 48 ans, s'est dit prêt à abandonner sa grève si 10 à 12 prisonniers politiques malades étaient libérés.

«Nous pensons qu'il y aura d'autres libérations, mais elles se feront quand les autorités le décideront. Raul Castro ne veut pas paraître avoir cédé aux pressions», estime un diplomate européen sous couvert de l'anonymat.

Le président Raul Castro, frère et successeur de Fidel, avait assuré début avril que «jamais il ne céderait au chantage» des Américains et Européens, qu'il avait accusés de soutenir Farinas pour ternir l'image de la Révolution.

Ancien militaire d'élite, Guillermo Farinas a entamé son jeûne au lendemain de la mort controversée, à 42 ans, d'un prisonnier de conscience en grève de la faim, Orlando Zapata.

«Les autorités cubaines veulent désormais tourner la page de l'affaire Zapata qui a causé des tensions avec l'Europe», commente un autre diplomate européen.

À la demande de Madrid, l'Union européenne avait accepté le mois dernier de repousser à septembre l'examen de sa «position commune» sur Cuba, pour donner une chance au dialogue en cours entre La Havane et l'Eglise.

L'Italie a souhaité lundi de «nouveaux gestes concrets» qui amélioreraient «l'image de Cuba» et «renforceraient le dialogue» entre La Havane et l'UE.

Pendant sa dernière visite à Cuba en octobre 2009, M. Moratinos avait obtenu la libération d'un détenu politique.

Cuba est sous embargo américain depuis 1962 et considère les opposants comme des mercenaires à la solde des États-Unis.