L'ancien dictateur du Panama, Manuel Noriega, jugé à Paris pour blanchiment d'argent de la drogue, a dénoncé mardi un «montage bancaire et financier imaginaire» orchestré par les États-Unis, lors de sa première déclaration au deuxième jour de son procès.

Après vingt ans dans les prisons américaines pour trafic de drogue, Manuel Noriega a été extradé des États-Unis le 26 avril. Il est jugé depuis lundi en France, où il encourt dix ans de prison pour blanchiment.

On lui reproche d'avoir blanchi en France 2,3 millions d'euros, qui proviendraient du cartel colombien de Medellin.

«Tout ça est un montage bancaire et financier imaginaire», a déclaré l'ancien général, aujourd'hui âgé de 76 ans, s'exprimant en espagnol d'une voix forte et posée.

«Si vous examinez les points de l'accusation contre ma personne, la charge de blanchiment n'existe pas, je suis victime d'une conspiration que les États-Unis ont montée contre moi à Miami», a ajouté celui qui a dirigé de facto le Panama de 1981 à 1989 et s'est présenté comme un «soldat professionnel».

Les avocats de la défense ont fait valoir que les accusations de blanchiment contre M. Noriega reposaient sur les témoignages douteux d'anciens trafiquants de drogue qui se sont placés sous la protection des États-Unis.

Longtemps allié des États-Unis pendant la Guerre froide, le dictateur de ce pays d'Amérique centrale était tombé en disgrâce à Washington pour son implication dans un trafic de stupéfiants. Il avait été renversé puis capturé en 1989 lors de l'intervention américaine au Panama ordonnée par le président américain George Bush père.

Manuel Noriega, qui portait un costume sombre et une chemise blanche, a insisté sur son absence de liens avec les cartels de la drogue colombiens. Il a affirmé au contraire qu'il avait combattu les narco-trafiquants lorsqu'il était au pouvoir.

«J'ai combattu avec force les trafiquants de drogue et j'ai reçu pour cela les félicitations des États-Unis, d'Interpol et de nombreux autres pays (...). Je ne pouvais pas être ami avec ces gangsters», a-t-il assuré, appuyant ses paroles de nombreux gestes

Manuel Noriega, qui souffre d'hémiplégie et d'hypertension, a été condamné par défaut à dix ans de prison pour blanchiment à Paris le 1er juillet 1999. Il avait également écopé d'une amende pharaonique de 13,5 millions d'euros. Il a depuis fait opposition à ce jugement, ce qui explique ce second procès, cette fois en sa présence.

Celui que l'on surnomme «face d'ananas» en raison de son visage grêlé rétorque que les fonds mis en cause proviennent de l'héritage de son frère, de la fortune de sa femme et de versements de la CIA, dont il fut un informateur.

Lundi, le procureur Michel Maes avait considéré que M. Noriega ne bénéficiait d'aucune immunité, cette faveur étant réservée «aux chefs d'État en exercice».

Le Panama réclame aussi l'extradition de l'ancien général, condamné dans son propre pays à 54 ans de prison pour son implication dans la disparition et le meurtre d'opposants politiques entre 1968 et 1989.

Le procès doit s'achever mercredi soir. La décision du tribunal devrait être mise en délibéré à l'automne.