Après vingt ans dans les prisons américaines, l'ancien homme fort du Panama, Manuel Noriega, 76 ans, comparaît à partir de lundi devant un tribunal parisien pour avoir blanchi en France quelque 2,3 millions d'euros issus du trafic de drogue.

Manuel Noriega avait déjà été jugé en France en 1999 et condamné par défaut à 10 ans de prison.

Le tribunal correctionnel de Paris avait aussi délivré contre le général Noriega un mandat d'arrêt international. C'est en vertu de ce document que le militaire, écroué depuis 1990 pour trafic de drogue à Miami (Floride), a été extradé le 26 avril des Etats-Unis vers la France.

Sitôt sur le sol français, M. Noriega a fait opposition au jugement rendu en 1999, une possibilité donnée à tout prévenu ayant été jugé en son absence. Un nouveau procès a donc été fixé aux 28, 29 et 30 juin.

Lors de son procès par défaut en 1999, la justice français l'avait reconnu coupable d'avoir blanchi en France plusieurs millions d'euros, présumés provenir du cartel de la drogue de Medellin (Colombie).

Une vingtaine de comptes avaient également été ouverts à Paris et à Marseille (sud) par M. Noriega ou certains de ses proches dans les banques BNP, CIC, Crédit lyonnais et Banco do Brazil.

Entendu lors de l'instruction dans sa prison de Miami, Manuel Noriega avait affirmé que l'argent investi en France provenait de sa fortune personnelle et de la CIA, dont il fut un informateur.

Longtemps allié des Etats-Unis pendant la Guerre froide, le dictateur de ce pays d'Amérique centrale était tombé en disgrâce à Washington pour son implication dans un trafic de stupéfiants. Il avait été renversé puis capturé en 1989 lors de l'intervention américaine au Panama ordonnée par le président américain George Bush.

Il avait ensuite été condamné à 40 ans de prison aux Etats-Unis pour trafic de drogue. Placé en détention en Floride, sa peine avait été réduite à 17 ans pour bonne conduite.

Quelques jours avant la date prévue pour sa libération, en septembre 2007, un juge fédéral américain avait approuvé son extradition vers Paris.

Le gouvernement panaméen a fait savoir qu'il respectait la décision «souveraine» des Etats-Unis d'extrader l'ancien dictateur vers la France, tout en demandant qu'il soit rapatrié pour être aussi jugé dans son pays.

Le général Noriega a été condamné au Panama à 54 ans de prison pour son implication dans la disparition et le meurtre d'opposants entre 1968 et 1989.

En 1999, le tribunal correctionnel de Paris avait également condamné le général Noriega à une amende délictuelle de 75 millions de francs (environ 14 millions de dollars canadiens) et à une amende douanière de 15 millions de francs (environ 3 millions de dollars canadiens).

La République de Panama qui demandait 100 MF (environ 20 millions de dollars canadiens) afin de «payer des campagnes de communication qui permettront de restaurer l'image de ce pays», et 224 MF (environ 44 millions de dollars canadiens) représentant le total de l'argent panaméen qui a transité dans les banques françaises sous Noriega, n'avait obtenu qu'un franc symbolique.

Depuis son arrivée en France, le Panaméen est incarcéré à la prison parisienne de la Santé. Ses avocats, Mes Olivier Metzner et Yves Leberquier, n'ont eu de cesse de contester ses conditions de détention, contraires selon eux au statut de prisonnier de guerre dont il bénéficie. En dépit de plusieurs demandes de remise en liberté, les juges l'ont maintenu en détention, invoquant d'«importants risques de fuite».