Le principal dirigeant indigène du Pérou, Alberto Pizango, a été arrêté mercredi à Lima à son retour d'exil au Nicaragua, où il s'était réfugié en juin 2009 après des affrontements meurtriers entre la police et des indiens d'Amazonie, selon son avocat.

Pizango «a été arrêté au contrôle d'immigration de l'aéroport» de Lima, et transféré en fin d'après-midi à un poste de police de la capitale, a précisé à l'AFP son avocat Marco Barreto. Il devrait être déféré jeudi devant un magistrat.

La justice recherchait Pizango depuis un an pour appel à la «sédition» et à la «mutinerie». Les autorités l'estiment coresponsable des heurts qui ont fait 34 morts -dont 24 policiers- et 200 blessés en juin 2009, autour d'un barrage routier à Bagua, localité du nord du pays, les pires violences au Pérou en 17 ans.

Les indiens protestaient contre des décrets-lois sur l'exploitation des ressources d'Amazonie, révoqués depuis.

Pizango, 45 ans, était avant son exil au Nicaragua le numéro un du principal collectif d'indiens d'Amazonie du Pérou, l'AIDESEP, représentant environ 400 000 personnes appartenant à plus de 60 ethnies différentes.

Le leader indien est revenu «parce que les Apus (chefs coutumiers) le lui ont demandé, cela a été une décision concertée des dirigeants indigènes. Ils lui ont demandé de se rendre car il ne peut rester plus longtemps hors du Pérou», a expliqué son avocat.

Barreto espérait qu'un recours transforme le mandat d'arrêt contre Pizango en convocation judiciaire. Mais le leader indien de l'ethnie Shawi, originaire de la région de Loreto, au nord du Pérou, avait dit s'attendre à être arrêté avant son départ de Managua.

Le retour de Pizango intervient sur fond de détente entre l'État et les communautés indiennes d'Amazonie, et a sans doute été encouragé par ce nouveau climat.

L'AIDESEP a chaleureusement salué il y a une semaine l'adoption par le Parlement d'une loi qui oblige l'État à consulter les communautés indigènes sur des projets les touchant directement.

Ce texte met en conformité le Pérou avec la Convention 169 de l'Organisation internationale du Travail (OIT), le texte international de référence sur les droits des peuples indigènes.

Il doit servir de cadre pour l'exploitation du sous-sol péruvien, que le gouvernement est bien résolu à accélérer. Le Pérou est effectivement devenu en 2009 la 3e destination au monde pour les investissements de prospection minière.

Reste que Pizango, qui avait été diabolisé l'an passé par les autorités après la tragédie de Bagua, doit répondre d'accusations graves.

«Nous sommes dans un pays démocratique, où les citoyens sont égaux devant la loi», a déclaré mercredi le chef de la diplomatie José Antonio Garcia Belaunde. «M. Pizango devra répondre devant la justice comme n'importe quel citoyen».

La justice a toutefois assoupli fin 2009 sa position dans le dossier de deux autres dirigeants de l'AIDESEP, revenus d'exil et laissés en liberté malgré des poursuites judiciaires. Un scénario similaire permettrait à Pizango de récupérer un leadership, cette fois dans un climat apaisé.

Pizango est arrivé à Lima flanqué de Daisy Zapata, dirigeante intérimaire de l'AIDESEP, et de l'actrice germano-péruvienne d'Hollywood Q'Orianka Kilcher («Pocahontas», 2006), militante des droits indigènes.