Le Mexique, qui compte 12 millions de ressortissants aux États-Unis, dont la moitié en situation irrégulière, est en première ligne contre la nouvelle loi sur l'immigration de l'Arizona, qui «criminalise» selon lui ceux qui s'expatrient pour chercher du travail.

Le président mexicain Felipe Calderon est monté au créneau lundi, après sa ministre des Affaires étrangères, le Sénat, les grands partis politiques du pays et la Commission nationale des droits de l'Homme.

Après aussi le Honduras et le Guatemala, très concernés par leur nombre de clandestins aux États-Unis, estimé à plus d'un million à eux deux.

Le Mexique «utilisera tous les moyens à sa portée» pour défendre ses émigrants contre cette loi qui «porte atteinte aux droits de l'Homme» et «ouvre la porte à une inacceptable discrimination raciale (...), à la haine et à l'abus de l'application de la loi», a affirmé M. Calderon en ouvrant le XVe Conseil consultatif de l'Institut des Mexicains à l'Etranger.

La loi signée vendredi par la gouverneur républicaine de l'État frontalier avec le Mexique, Jan Brewer, autorise la police à arrêter des étrangers en cas de «doute raisonnable» sur la légalité de leur entrée aux États-Unis, même en l'absence d'un autre délit présumé.

Pour beaucoup d'opposants, c'est «institutionnaliser» le délit de faciès.

«La saison de la chasse aux Latinos est ouverte», a ironisé Frank Sharry, d'America's Voice, un groupe de défense des immigrés.

Pour Mme Brewer, c'est se défendre contre la violence de la guerre des cartels mexicains de la drogue, qui se fait ressentir au-delà de la frontière.

Deux sénateurs républicains de l'Arizona ont d'ailleurs réclamé 3.000 soldats supplémentaires de la garde nationale américaine à la frontière.

M. Calderon peut compter sur un soutien à l'intérieur même des États-Unis, où vivent 11 ou 12 millions de clandestins: des milliers de manifestants ont défilé pacifiquement contre la loi à Phoenix, capitale de l'Arizona.

On estime à 460.000 le nombre d'immigrés sans papiers dans cet État, des Latino-Américains en majorité, pour un total de 6,5 millions d'habitants.

L'allié le plus puissant du Mexique, dans ce dossier, n'est autre que le président américain lui-même. Barack Obama a critiqué la loi dès vendredi, et enquêtera sur sa constitutionnalité, a-t-il dit. «Le peuple américain mérite une réforme intégrale de l'immigration», a-t-il répété, lui qui avait promis une vaste réforme pendant sa campagne pour la Maison-Blanche.

La loi signée en Arizona, paradoxalement, l'aidera peut-être à persuader le Congrès, où des initiatives ont déjà été mises en échec en 2006 et en 2007.

«Le sentiment de rejet inspiré par la loi est tel que M. Obama aura peut-être davantage de succès à présent», estime un diplomate étranger en poste à Mexico, sous couvert de l'anonymat.

«Le rejet va être important de la part des Mexicains aux États-Unis, qu'ils soient ou non en situation régulière, ou même naturalisés, et il ne faut pas oublier qu'ils constituent une main d'oeuvre importante pour les Américains», renchérit Me Jose Antonio Ortega, un avocat spécialisé dans les droits de l'Homme.

«Mais on ne peut tout reprocher aux +gringos+, et ce n'est pas à Washington que M. Calderon doit aller chercher la solution, car elle est ici», ajoute-t-il.

«Les Mexicains s'exilent aux États-Unis parce que l'économie mexicaine ne leur fournit pas de travail (...). Le gouvernement doit baisser impôts et taxes, et assurer la sécurité publique, pour attirer les investissements», conclut-il.