Au Mexique, la guerre entre cartels de la drogue pour le contrôle du trafic, responsable de près de 23 000 morts ces trois dernières années, passe aussi désormais par l'internet.

Les trafiquants se massacrent entre eux, surtout dans le nord à la frontière des États-Unis, premier consommateur de cocaïne au monde, et les assassinats servent aussi d'avertissement à respecter un territoire.

Une pancarte est épinglée au cadavre, criblé de balles ou décapité, avec une note comme «Voilà ce qui arrivera à ceux qui feront comme lui». Les trafiquants placardent aussi des affiches en ville, dont la presse écrite publie volontiers les photos.

Mais dans un des pays les plus meurtriers au monde pour les journalistes, que les cartels cherchent à contrôler, les messages s'affichent de plus en plus sur l'internet: les trafiquants y publient leurs avertissements tout autant que de fausses informations, destinées à affoler la population.

«Normal, explique un expert en sécurité: les messages des cartels visent à intimider leurs concurrents, mais aussi à effrayer le public, le persuader que les autorités ne peuvent pas grand chose contre eux».

À Cuernavaca, près de Mexico, lieu de villégiature de la bourgeoisie aisée de la capitale, restaurants et bars ont ainsi fermé leurs portes à l'unisson l'autre week-end: courriels et messages sur les réseaux sociaux comme Facebook, Youtube ou Twitter avaient multiplié les annonces d'un couvre-feu décrété par un cartel local.

«Cela s'est répandu très rapidement dans la population, déclenchant le doute, la peur voire la panique», confirme à l'AFP Oscar Sergio Hernandez, ministre du gouvernement de l'État de Morelos, dont Cuernavaca fait partie.

L'endroit est sensible: un des grands chefs de cartel, Arturo Beltran Leyva, y a été tué par les troupes de Marine en décembre, et la guerre de succession est sanglante.

Cette fois, c'était une fausse alerte, pas un coup de feu n'a été tiré et personne n'est mort, mais les autorités locales ont dû s'employer à rassurer les milieux d'affaires, les syndicats et les directeurs d'écoles.

La semaine suivante, le gouvernement de Morelos a créé une cellule de veille pour surveiller Facebook, Youtube et Twitter.

Des annonces de prétendues fusillades s'étaient répandues de la même manière en février dans l'État de Tamaulipas, frontalier du Texas sur le Golfe du Mexique.

«Il y a une montée de la violence, une guerre entre groupes criminels, mais aussi une campagne, via les médias informels, pour terroriser la population», explique le gouverneur, Eugenio Hernandez.

À l'époque, des écoles, des commerces et même le consulat des États-Unis avaient fermé à Reynosa, face à la ville texane de McAllen.

«Alerte, cinq voitures pleines d'hommes puissamment armés, ne sortez pas, ne sortez pas», lisait-on récemment sur un site administré dans la région par un groupe de presse.

Aujourd'hui, le gouvernement de Tamaulipas publie un bilan régulièrement actualisé de la violence sur son propre site Internet, et la mairie de Reynosa utilise Twitter pour transmettre les alertes de sécurité.

Tous ces messages se bousculent sur la toile. Ceux des trafiquants, des autorités, et des citoyens lambda qui, eux aussi, chargent des vidéos sur Youtube et participent aux forums en ligne sur la sécurité.

Un député, Nazario Norberto Sanchez, veut même proposer en septembre une loi créant une «cyber-police» au Mexique. «Nous ne toucherons pas aux libertés individuelles, mais nous voulons réguler Twitter et Facebook», explique-t-il.