L'ex-caporal nazi Paul Schaefer, fondateur de l'enclave allemande Colonia Dignidad au Chili, est décédé samedi à 88 ans dans la prison où il purgeait une peine pour abus sexuels sur mineurs et torture pendant la dictature militaire, selon la gendarmerie.

L'état de santé de M. Schaefer s'était détérioré au cours des dernières heures et le détenu est décédé à 07H20 locales, victime d'une «grave» complication cardiaque, a annoncé la gendarmerie.

L'ancien caporal-brancardier de l'armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale avait été interné en juillet dans un hôpital pénitentiaire de Santiago pour des problèmes cardiaques.

M. Schaefer purgeait une peine de 20 ans de prison depuis mai 2006 pour abus sexuels sur une vingtaine d'enfants au sein de la «Société d'Education et de Bienfaisance Dignidad», plus connue sous le nom de «Colonia Dignidad», qu'il avait fondée après avoir fui l'Allemagne.

La justice a également établi que l'ancien nazi avait collaboré avec le régime du général Augusto Pinochet (1973-1990), et que la colonie avait été utilisée comme centre de détention et de torture contre des opposants de gauche sous la dictature chilienne.

«La mort de Paul Schaefer met un coup d'arrêt aux poursuites pénales parce qu'il n'y a pas de poursuite pénale en ce bas monde pour ceux qui sont morts. Cependant, nous savons qu'il y a une autre justice qui ne prend jamais fin, la justice divine», a déclaré le président de droite, Sebastian Pinera.

En revanche, selon l'avocat Hernan Fernandez, représentant plusieurs victimes d'abus sexuels, le décès ne doit pas mettre un frein au travail de la justice.

«Tout un chapitre judiciaire concernant les délits de la Colonia Dignidad et l'impunité des auteurs reste ouvert (...) La mort de Paul Schaefer doit donner l'impulsion finale pour que réparation et justice soient faites», a-t-il estimé.

La Colonia Dignidad, enclave allemande de 13 000 hectares aux allures de secte, avait été fondée par Schaefer en 1961, à 350 km au sud de Santiago, avec notamment un ancien pilote de l'armée de l'air du IIIe Reich, Hermann Schmidt.

Un an auparavant, Schaefer avait fui l'Allemagne où plusieurs adolescents l'accusaient de viols, alors qu'il était pasteur et s'occupait d'orphelins de guerre.

Jusqu'à 300 Allemands ont vécu dans la colonie, en autarcie, cultivant jusqu'à l'avoine de leurs chevaux et produisant leur électricité.

En 1991, après la dictature de Pinochet, la colonie a perdu son statut de société de bienfaisance et a été rebaptisée Villa Bavaria. Plusieurs colons sont rentrés en Allemagne.

Des jeunes ayant réussi à s'enfuir ont dénoncé des sévices sexuels et en novembre 2004, 22 dirigeants de la colonie ont été condamnés pour la première fois pour abus sur mineurs.

Le viol était un «moyen pour garantir la loyauté» entre dominants et dominés, avait expliqué à l'époque un magistrat informé du dossier.

Paul Schaefer avait été arrêté en mars 2005 en Argentine après huit ans de cavale, puis extradé au Chili.

«La mort de chaque être humain est regrettable, quels que soient les actes qu'il a accomplis», s'est contenté de déclarer samedi le porte-parole de la Villa Bavaria, Martin Matusen.