«Rien n'est prêt, nous savons seulement quelle robe nous allons mettre», expliquent Lol Kin Castaneda et Judith Vazquez, les deux premières femmes à se marier jeudi en Amérique latine, grâce à la légalisation du mariage homosexuel à Mexico.

Elles racontent n'avoir eu qu'une semaine pour les préparatifs, tout en montrant, chez elles, leurs robes de mariée couleur ivoire confectionnées et offertes par un styliste mexicain.

Lol Kin et Judith ont sollicité le jeudi 4 mars un rendez-vous pour se marier, le jour même de l'entrée en vigueur de la loi.

Quelques heures après, le registre de l'état-civil leur a annoncé qu'elles allaient devenir le premier couple homosexuel à se marier au Mexique, devant le maire de gauche de la capitale, la seule ville autorisant le mariage gay dans le pays et dans la région.

En Amérique latine, deux couples d'hommes ont réussi à se marier en Argentine, à Ushuaïa dans le grand sud et à Buenos Aires, mais grâce à deux décisions de justice particulières.

«C'est un engagement énorme. Je suis moins préoccupée par la réception que par la préparation d'un bon discours. Mon engagement implique que je ne parle pas de moi-même mais d'une réalité, il s'agit de dire dans des termes politiques que des droits ont été historiquement niés», explique Lol Kin, 33 ans.

Quand elles se sont connues il y neuf ans, Lol Kin avait déjà derrière elle une longue trajectoire de militantisme, et Judith venait de donner un tournant radical à sa vie en renonçant à devenir religieuse.

«J'ai été confrontée à la contradiction d'être lesbienne et par cohérence j'ai décidé d'abandonner ma candidature de religieuse. Cela n'a pas été facile, il font rompre beaucoup d'amarres. Mais cela a été mourir pour ressusciter à cette vie de liberté», assure Judith, 45 ans.

Son choix l'a éloignée de ses parents. «Ils me voient comme leur fille célibataire qui n'a pas d'enfants, et sont incapables de respecter ma compagne et ma vie», regrette-elle.

Selon les deux femmes, la loi existe grâce aux gouvernements progressistes qui se sont succédé à Mexico, où ces treize dernières années la dépénalisation de l'avortement, le divorce simplifié ou des droits pour les couples du même sexe ont été approuvés.

Se tenant par la main, les deux premières femmes à pouvoir se marier en Amérique latine ont reconnu qu'elles ne s'étaient jamais imaginé un tel dénouement avant le vote de la loi en décembre. C'est là qu'elles ont décidé de franchir le pas.

«Le mariage ne transforme pas notre relation, ni ne change notre amour, et ne consolide rien. Il donne uniquement des droits qui nous étaient refusés et qu'il est important pour nous de garantir», affirme Lol Kin.

Parmi ces droits: la reconnaissance à la sécurité sociale partagée, à l'héritage et à la tutelle partagée des enfants.

Dans ce couple, l'une n'a pas demandé la main de l'autre. «Ici, les décisions se prennent en concertation», assurent-elles. Et il est bien possible qu'elles ne portent pas d'alliances. «L'alliance signifie que tu as un maître».

Leur opposition aux stéréotypes est telle que Lol Kin a proposé de se marier en «huipil», une tunique traditionnelle indigène, et en bottes «de combat». «Heureusement que nous avons réussi à la faire changer d'opinion», soupire Judith, soulagée.

«Nous voulons être belles», reconnaît-elle, «pour nous et pour beaucoup de lesbiennes d'Amérique latine qui espèrent vivre un jour comme celui-ci».