Des vitrines qui ne scintillent plus, des gymnases dans la pénombre et des cinémas sans climatisation: tel est le visage de Caracas depuis que la capitale du Venezuela est soumise à des restrictions draconiennes de consommation d'électricité pour freiner la crise énergétique.

Depuis quatre mois, le président Hugo Chavez a pris toute une série de mesures qui risque de mettre à mal sa popularité à six mois d'élections législatives cruciales. L'objectif est d'éviter une implosion du système électrique, menacé par les très bas niveaux du barrage de Guri qui fournit 70% de l'électricité du pays.

Le chef de l'État espère réduire de 20% la consommation des industries et des commerces, mais aussi de 10% celle des particuliers, en menaçant les réfractaires d'une surfacturation voire une interruption pure et simple du service.

Dans un gymnase très couru de l'Est de Caracas, les couloirs sont plongés dans la pénombre. Ni le sauna, ni le hammam ne fonctionnent. Les quelques ventilateurs allumés ne parviennent pas à repousser la chaleur tropicale qui s'engouffre dans les installations sportives.

«C'est comme ça que nous baissons la consommation. Nous éteignons toutes les lumières des couloirs. Le matin la lumière du soleil nous éclaire et le soir, nous n'allumons qu'à partir de six heures», explique Belkis Perez, la réceptionniste.

Le jeu en vaudrait la chandelle: à l'entrée, un grand panneau de la Compagnie nationale d'électricité célèbre dans toutes les couleurs un établissement qui «a contribué à l'économie d'énergie».

Le gouvernement surveille tout particulièrement les commerces et industries, considérés comme les importants consommateurs d'électricité, mais dont 60% n'atteindraient pas les objectifs en matière d'économies de courant, selon les premières inspections.

Dans un centre commercial de 15 étages du quartier de Chacao, des employés attendent l'ascenseur dans un hall plongé dans le noir. Seuls deux des quatre ascenseurs fonctionnent.

«Tout devient un problème à Caracas: la circulation, le métro bondé, nous sommes dans la pénombre, il faut faire la queue pour les ascenseurs», se plaint un homme.

Dans une charcuterie, trois vendeuses discutent dans une semi-obscurité.

«La moitié du magasin est éteinte. Nous n'utilisons pas d'ampoules pendant la journée, et nous éteignons un ventilateur. C'est tout ce que nous arrivons à faire, nous ne pouvons pas éteindre les réfrigérateurs», explique Loreana Diturris, une des trois femmes.

«Chez moi je fais la même chose», ajoute Osmary Leon. «Ce qui n'est pas nécessaire je l'éteins et je fais ainsi des économies».

Pour Chavez, il faut «être fermes dans l'application des sanctions».

Mais le monde des affaires craint un impact sur l'activité économique des restrictions jugées trop sévères. «On ne peut pas réduire la consommation électrique sans sacrifier la production», met en garde le président du syndicat patronal, Fedecamaras.

Chavez accuse ses compatriotes de «gaspillage». Selon les chiffres officiels, le Venezuela est le premier consommateur d'électricité en Amérique latine, 4165 KW/heure, 1000 de plus qu'au Chili, le deuxième pays sur la liste.

Mais des experts et l'opposition dénoncent un manque de maintenance et une mauvaise gestion du secteur électrique.