Avec sa magnitude de 8,8, le tremblement de terre qui a frappé le Chili samedi a libéré 500 fois plus d'énergie que le séisme dévastateur enregistré le 12 janvier dernier à Haïti. Et pourtant, les pertes de vies sont sans commune mesure: 700 contre plus de 200 000.

Comment expliquer un tel écart? «C'est bien simple. L'immense différence, c'est le code du bâtiment», résume le sismologue à la retraite Reynald Du Berger.

«Les Chiliens sont habitués aux tremblements de terre. Leurs constructions sont donc conçues pour résister», avance-t-il. Les bâtiments officiels, comme les écoles et les hôpitaux, respectent des règles strictes de construction parasismique. Ce n'est pas le cas à Haïti. «Au Chili, même les citoyens ordinaires utilisent des techniques éprouvées lorsqu'ils se construisent une maison, comme passer une poutre transversale ou installer un linteau au-dessus de la porte. Si on avait fait cela en Haïti, beaucoup de vies auraient été sauvées», croit M. Du Berger.

«Au Chili, non seulement les normes sismiques de construction existent, mais elles sont aussi appliquées, ajoute Bernard McNamara, président d'Architectes de l'urgence du Canada. Alors qu'Haïti est un pays en développement où on se sert de matériaux de mauvaise qualité, le Chili est un pays développé. Il y a un système de surveillance et des gens pour assurer le contrôle. Les ingénieurs s'attardent à appliquer le code.»

Ainsi, plusieurs bâtiments de 15 étages ou plus ont résisté au Chili, alors que des constructions équivalentes se sont écrasées comme des crêpes à Port-au-Prince, même dans des secteurs où les secousses ont été moins violentes. «Les bâtiments chiliens qui ont subi les secousses sont peut-être endommagés ou fissurés, mais ils ne se sont pas effondrés. Ils ont été conçus pour protéger les gens», souligne M. McNamara.

Bien sûr, la richesse relative des deux pays entre en ligne de compte lorsqu'on compare les parcs immobiliers. Le revenu national brut du Chili était de 8350$ par habitant en 2007, contre 560$ à Haïti. Mais l'expérience est aussi un facteur déterminant. Les Chiliens ont encore en mémoire le tremblement de terre du 22 mai 1960, à Valdivia, dont la magnitude de 9,5 reste à ce jour inégalée dans le monde. Ce séisme avait fait 6000 morts, alors que le dernier tremblement de terre comparable à avoir frappé Port-au-Prince remonte à il y a 240 ans.

Densité de population

Une autre grande différence qui a joué en faveur du peuple chilien est la faible densité de la population installée près de l'épicentre. À Haïti, l'épicentre du séisme du 12 janvier se trouve à environ 35 km d'une des zones les plus peuplées du monde. Plus de 300 000 Haïtiens habitent le secteur où des secousses «extrêmes» ont été ressenties, et 2,2 millions d'habitants ont ressenti des secousses «violentes», selon les données compilées par le US Geological Survey (USGS). Or, au Chili, l'épicentre a été détecté dans l'océan Pacifique, à 325 km de la capitale Santiago. Personne n'habite les zones où les secousses «extrêmes» et «violentes» ont pu être ressenties, constate le USGS. Par chance, la capitale, Santiago, qui compte près de 5 millions d'habitants, a subi des secousses considérées comme «très fortes» par l'USGS.

«Comme c'est le cas pour les tornades et les ouragans, c'est toujours dans les zones les plus densément peuplées que les séismes font le plus de dommages, indique le sismologue Reynald Du Berger. La vie est ainsi faite. L'être humain aime s'installer dans les régions côtières. C'est pratique pour l'activité portuaire et ce sont des endroits généralement assez jolis. Malheureusement, ce sont aussi des secteurs où l'activité tectonique est la plus forte, souligne-t-il. C'est un choix qui n'est pas totalement rationnel.»