La campagne pour l'élection présidentielle de mai en Colombie peine à décoller, figée par le suspense autour de la candidature ou non du chef de l'État sortant Alvaro Uribe et l'absence dénoncée par beaucoup de débat de fond et «d'équité» entre candidats.

Le conservateur Alvaro Uribe, élu en 2002, puis réélu suite à une réforme constitutionnelle quatre ans plus tard, pourra-t-il encore être candidat?

Chaque jour, la presse livre son lot d'interprétations, notamment sur le point de savoir si la Cour constitutionnelle validera la loi organisant un référendum rendant possible un troisième mandat consécutif et si ce dernier pourra être organisé avant le scrutin du 30 mai.

Et si cet avocat de 57 ans jouissant encore de plus de 60% d'opinions favorables peut être candidat, le souhaite-t-il vraiment?

Depuis que ses partisans ont proposé en 2008 d'organiser ce référendum, il ne s'est jamais exprimé sans ambiguïté.

Il a récemment répété que sa décision dépendait de «la Cour constitutionnelle» et de «Dieu».

Mercredi, il a toutefois annoncé que la télévision d'État ne diffuserait plus les conseils communautaires qu'il préside tous les samedis, afin de respecter les principes «d'équité» nécessaires au cas où il briguerait un troisième mandat.

«Vous me demandez si Uribe est candidat? Mais il l'est depuis qu'il a manifesté son soutien à la loi qui organise le référendum», analyse Rafael Pardo, briguant la présidence pour le Parti libéral (opposition, centre-gauche).

«La décision (de ne plus retransmettre ces conseils) n'en est qu'une preuve supplémentaire», déclare-t-il à l'AFP.

La non diffusion de ces réunions, estime encore l'opposant, est loin d'être suffisante.

«Pour qu'Alvaro Uribe respecte les garanties électorales, il faudrait qu'il dise ouvertement qu'il est candidat et qu'il cesse de financer ses alliés», accuse-t-il, en assurant que le président distribue des fonds publics à ses partisans à l'occasion de ces «conseils communautaires».

Le sénateur Gustavo Petro (Pôle démocratique alternatif, gauche), dénonce aussi «l'usage de fonds publics» et «le coup très profond porté à la démocratie» alors que le président est en campagne sans en avoir le droit.

«Il ne pouvait être candidat qu'après validation par une réforme constitutionnelle: pour l'instant, la Constitution n'autorise pas un troisième mandat», dit-il à l'AFP.

Dans son propre camp, la conservatrice Noemi Sanin souligne la nécessaire «présence équitable à la télévision» de tous les candidats.

«Ce qui est surprenant, commente aussi un diplomate européen, c'est que les candidats n'organisent pas une conférence de presse conjointe sur la question du respect des garanties électorales».

Pour l'ancien secrétaire de la présidence Ricardo Galan, la polémique n'a pas de sens, car «le président Uribe n'est pas candidat».

Pendant ce temps, aucun débat n'a véritablement gagné le pays sur ses choix d'avenir: poursuite d'une politique économique libérale et de l'option militaire contre la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes, encore six à 10 000 combattants actifs) ou rupture?

«La Colombie détient le premier poste en Amérique latine concernant l'inégalité sociale», affirme Gustavo Petro, or «de cette inégalité découlent la violence et le narcotrafic».