À peine élu dimanche président du Chili, l'homme d'affaires de droite Sebastia Pinera a affolé la Bourse, déclenché une polémique sur l'avenir du géant public du cuivre Codelco et annoncé qu'il allait appliquer ses méthodes d'entrepreneur à la tête du pays.

Ce multimillionnaire de 60 ans a aussi confirmé qu'il inviterait des membres de la «Concertation» (coalition de centre-gauche) à participer à un gouvernement «d'unité», une initiative à même de déstabiliser la coalition au pouvoir, qui passera dans deux mois dans l'opposition pour la première fois depuis 20 ans.

«Bien sûr que nous voulons des figures indépendantes et de la Concertation», a déclaré Pinera au quotidien La Segunda.

En parallèle, il a rappelé qu'il ne mettrait «pas de veto» à l'intégration de personnes ayant travaillé pour «d'autres» gouvernements, en réponse à une question sur l'éventuelle nomination d'ex-collaborateurs de la dictature militaire (1973-90).

Joaquin Lavin, économiste libéral qui fut conseiller économique du régime militaire, puis candidat présidentiel (en 1999, 2005) de la très conservatrice UDI, est un des pressentis. Une personne «de mérite et de talent», a commenté Pinera.

Décrit en affaires comme minutieux, exigeant, enclin à tout contrôler, Pinera souhaite imprimer ce style managerial au gouvernement.

«Les ministres n'auront pas une minute tranquille», a-t-il lancé sur la chaîne Mega. Sur Canal 13, il a ajouté qu'il voulait imposer à chaque ministre «un plan de route» et des délais d'exécution de «30 jours, six mois, un an» suivant les projets.

Pinera a déjà créé une polémique avec le gouvernement en annonçant des «changements profonds» à Codelco, le géant public du cuivre, premier producteur du monde (11%) qui «a perdu en compétitivité et efficacité». Pour lui, Codelco doit rester public, mais a besoin «de capital frais».

«Nous pensons que l'entreprise peut parfaitement poursuivre son développement et son apport au Chili (...) dans l'état actuel», a répliqué le ministre des Mines Santiago Gonzalez. Les puissants syndicats, «attentifs» aux propos de Pinera, se sont dit «mi-sereins, mi-inquiets».

C'est sur les marchés que l'impact de son élection a été le plus spectaculaire: devant la flambée de leur cours, la Bourse de Santiago a suspendu mardi la cotation des titres d'Axxion, groupe par lequel le multimillionnaire contrôle notamment 19% de LAN, la première compagnie aérienne d'Amérique du Sud (il en détient 26% au total).

«La cotation et les transactions sont suspendues, en raison d'une variation significative des cours», a déclaré la Bourse, après que les titres d'Axxion eurent bondi de 21,43% à la mi-journée, dépassant le seuil maximal prévu par l'autorité régulatrice.

Pinera s'est engagé à céder ses parts de LAN avant d'assumer la présidence le 11 mars et a déjà délégué nombre de ses investissements à des fonds aveugles de gestion, dans lesquels il n'intervient plus.

Pour les analystes, la hausse est compréhensible, le marché anticipant une vente fructueuse des actions de LAN. Mais elle va raviver les craintes de conflit d'intérêt qui ont troublé le campagne de Pinera.

«Un lien important existe entre affaires et politique. La preuve: un jour après l'élection de Pinera, le marché réagit et prévoit que ses sociétés vont prendre de la valeur dans les années à venir, avec sa présidence», relève Juan Carlos Scapini, économiste à l'Université centrale du Chili.