Le Chili a voté dimanche lors d'un second tour de présidentielle serré, dont le léger favori est Sebastian Pinera, un homme d'affaires multimillionnaire de 60 ans qui espère ramener la droite au pouvoir après 20 ans de gouvernement de centre-gauche depuis la fin de la dictature.

Selon un ultime sondage paru mercredi, moins de deux points -50,9% contre 49,1%- séparaient Pinera, issu de la droite modérée, du candidat de la coalition de centre-gauche au pouvoir, le centriste Eduardo Frei, 67 ans, qui fut déjà chef de l'État de 1994 à 2000.

Les bureaux de vote ont fermé à 16H00, heure locale (19H00 GMT), après être restés ouverts neuf heures. Les résultats définitifs devraient être connus avant 03H00 GMT.

L'élection désigne un successeur à la socialiste Michelle Bachelet, qui avait battu Pinera en 2005 et aurait sans doute été réélue si la Constitution autorisait deux mandats consécutifs: elle surfe sur des taux d'approbation à 80%.

Pinera est favori de tous les sondages depuis des mois. Mais son avance a fondu, de 14 points au premier tour mi-décembre, à 5-6 ces dernières semaines, et 1,8 dernièrement.

Plus qu'un réel changement de cap politico-économique, les 8,3 millions d'électeurs devaient décider si le Chili est prêt à un tournant symbolique: le retour de la droite au pouvoir pour la première fois depuis la fin de la dictature d'Augusto Pinochet en 1990. Et pour la première fois par les urnes depuis 1958.

Pinera a réitéré dimanche son appel à une alternance salutaire, son thème clef de campagne.

«Après 20 ans, le changement est bon pour le Chili» a-t-il déclaré peu avant de voter dimanche matin à Santiago. «C'est comme ouvrir la fenêtre pour laisser rentrer un peu d'air frais».

«Ils nous ont parlé beaucoup de changements, mais changement pour quoi?» a répliqué Frei en votant.

«Eux aussi, ont eu 17 ans (au pouvoir) et les Chiliens peuvent comparer en toute liberté», a-t-il dit, en référence à la dictature (1973-90), en englobant la droite dure qui la soutint et celle modérée dont se réclame Pinera.

Le candidat de droite rappelle qu'il a voté contre Pinochet au référendum de 1988, mais considère que le régime militaire «est déjà de l'histoire». Et il n'exclut pas de compter d'ex-conseillers économiques du régime militaire dans son futur gouvernement.

Pour le reste, les deux candidats affichent peu de différences de fond: ils défendent tous deux «l'économie sociale de marché» qui a permis au Chili de vivre une décennie 2000 de croissance.

Aussi les rivaux ont joué sur l'image, les perceptions: Pinera celle de «l'usure» de la coalition au pouvoir, Frei celle de l'amalgame des «pouvoirs économique et politique» avec Pinera, caricaturé par une partie de la gauche comme un «pirana» capitaliste, un «Berlusconi chilien».

Pinera, l'un des hommes les plus riches du Chili, est un économiste qui a fait fortune dans la monétique dans les années 80. Il est aujourd'hui l'un des principaux actionnaires de la compagnie aérienne LAN et possède entre autres une télévision privée et un club de football.

Fils d'ambassadeur, c'est aussi un pur produit de l'élite chilienne traditionnelle, tout comme Frei, fils de l'ancien président Eduardo Frei Montalva (1964-70).

C'est justement cet establishment politique qu'entendait renverser le candidat indépendant Marco Enriquez-Ominani, arbitre de ce second tour après avoir recueilli 20% des voix au premier.

Enriquez s'est rallié personnellement à Frei mercredi, mais le report de ses 1,3 millions d'électeurs est incertain.