Frontal et polémique, José «Pépé» Mujica est le grand favori de l'élection présidentielle de demain en Uruguay. Notre collaborateur a couvert la campagne de cet ex-révolutionnaire.

Avec son physique trapu, son embonpoint et sa petite moustache couleur poivre, José Mujica se tient debout sur la scène installée dans le quartier pauvre de Belvedere, à l'ouest de la capitale, Montevideo.

 

Le drapeau rouge, bleu et blanc du Frente Amplio, coalition de gauche où se côtoient radicaux, syndicalistes et anciens Tupamaros - guérilleros opposés à la dictature militaire de 1973 à 1985 -, est partout au milieu de la foule de 15 000 personnes.

Alors que le public applaudit, le grand favori de l'élection présidentielle de demain, José Mujica, marque une pause. «Ce n'est pas avec de beaux slogans ni avec des applaudissements que l'Uruguay changera. Ce sera avec beaucoup de livres. Il faut qu'on enrichisse ça», lance-t-il en désignant sa tête du doigt.

Les mots utilisés par le candidat présidentiel du Frente Amplio sont simples, à l'image de l'homme qui vit encore dans sa modeste ferme, à 20 minutes de Montevideo.

«Son franc-parler lui permet d'avoir une complicité incroyable avec les personnes modestes, estime le politologue Juan Carlos Doyenart. Mais son style dérange les classes moyennes qui s'interrogent sur sa capacité à être président.»

Des sceptiques

Assise à une table du café Central, en plein centre de la capitale uruguayenne, Inés Bortagaray fait partie des sceptiques. Bien sûr, elle votera pour Mujica, demain, car elle a toujours opté pour la gauche réunie au sein du Frente Amplio.

Mais cette jeune écrivaine dit qu'elle a «du mal avec le personnage parce qu'il se pose en philosophe des campagnes mais se contredit en permanence. Au final, c'est difficile de comprendre son message politique».

Hormis leur appartenance commune au Frente Amplio, tout semble opposer le président sortant, Tabaré Vazquez, à «Pépé» Mujica, comme le surnomment affectueusement les Uruguayens.

Le premier est cancérologue, apprécié pour sa modération. Le second est un agriculteur qui a croupi 14 ans dans les geôles de la dictature uruguayenne pour son activisme au sein des révolutionnaires Tupamaros.

Libéré en 1985 lors du retour à la démocratie, José Mujica fonde le Mouvement de participation populaire, membre du Frente Amplio, et se convertit en poids lourd de la politique uruguayenne.

Il sera député, sénateur puis ministre de l'Agriculture de Tabaré Vazquez.

«Je suis vieux, sans diplôme universitaire, mais les sondages m'obligent à briguer la présidence», s'excuse-t-il.

Durant la campagne électorale, «Pépé» a multiplié les gaffes. À tel point que l'Uruguay a frôlé l'incident diplomatique avec l'Argentine, le «grand frère», lorsqu'il a qualifié les Argentins «d'imbéciles avec des réactions hystériques».

L'ex-président Luis Alberto Lacalle, candidat présidentiel du Parti national, en a profité pour critiquer le «populisme» de son principal opposant.

«José Mujica est un homme certes populiste, mais plutôt modéré et non-étatiste. Ce n'est ni Hugo Chavez ni Evo Morales», précise Juan Carlos Doyenart. Après le tollé de ses propos sur les Argentins, José Mujica a fini par faire son mea-culpa. À sa manière. «Ces derniers jours, j'ai appris à fermer un peu plus ma gueule», a-t-il écrit sur son blogue.