Revenu en douce au Honduras après un exil forcé de trois mois, le président Manuel Zelaya est resté hier cantonné dans l'ambassade du Brésil à Tegucigalpa. À l'extérieur, la police hondurienne a imposé un couvre-feu, fermé l'aéroport et chassé 4000 partisans de Zelaya qui ont passé la nuit près de l'ambassade. Portrait de l'homme au centre de la crise hondurienne.

Candidat plutôt conservateur aux élections de 2006, Manuel Zelaya - dit «Mel» - est devenu, surtout depuis son éviction par l'armée en juin dernier, le héros des pauvres du Honduras. Ses opposants n'hésitent plus à les traiter, lui et ceux qui le soutiennent, de gauchistes et de communistes. Mais qui est donc Manuel Zelaya?

L'homme au chapeau de cowboy, à la chemise déboutonnée, aux bottes texanes et à la moustache touffue n'est pas facile à décrire.

Fils d'un grand propriétaire forestier, il est élu président en 2005 avec un programme centre droit, dans un pays où la gauche était écartée du pouvoir.

«Une quinzaine de grandes familles contrôlent l'économie du Honduras, dit le professeur en sciences politiques de l'Université Concordia, Jean-François Mayer. C'est donc l'élite qui est au pouvoir.»

Jusqu'à l'an dernier, sa présidence a surtout été marquée par une grève générale des enseignants et la répression envers des gangs criminels. Devant un besoin pressant d'argent pour financer ses réformes sociales, dans un pays où 70% des gens vivent sous le seuil de la pauvreté, il s'est tourné vers le secteur privé. «Il m'a fermé la porte au nez, a raconté l'an dernier M. Zelaya. Quant à la Banque mondiale, elle ne m'offrait que dix millions de dollars.»

C'est finalement le Venezuela et son président, Hugo Chavez, chef de file de la gauche antilibérale latino-américaine, qui a financé le Honduras avec un prêt de 132 millions de dollars.

Bouée de sauvetage

L'alliance avec Caracas a été présentée comme une «bouée de sauvetage» et a marqué le spectaculaire virage à gauche de Manuel Zelaya. En janvier dernier, Manuel Zelaya a fait augmenter de 65% le salaire minimum, de 189$ à 289$ par mois. «Ça reste une misère absolue, note Jean-François Mayer, mais les gens de l'élite l'ont considéré comme un communiste.»

De plus en plus isolé par le patronat et les membres de son propre parti, Manuel Zelaya n'en continuait pas moins de vouloir mettre en oeuvre une «nouvelle révolution pacifique» pour l'instauration d'une «démocratie participative». Il avait d'ailleurs convoqué un référendum pour modifier la Constitution et permettre la réélection du chef de l'État, jusqu'ici interdite.

Il a été arrêté par les militaires le matin du scrutin, le 28 juin. Du Costa Rica au Nicaragua, c'est finalement au Brésil qu'il a trouvé le soutien qui a permis son retour au pays, lundi.

Pourquoi le Brésil plutôt que le Venezuela? La réponse serait stratégique, croit Jean-François Mayer.

«Le président Lula est un opposant de première heure du régime militaire qu'il y a eu au Brésil entre 1964 et 1985», dit M. Mayer. Le chef d'État brésilien a aussi une meilleure réputation en Europe et aux États-Unis qu'Hugo Chavez, ajoute-t-il.

Hier, le président Lula a averti les autorités honduriennes de ne pas toucher à son ambassade à Tegucigalpa. L'eau, l'électricité et le téléphone de l'immeuble ont quand même été coupés, rapportent les médias brésiliens. De New York, le président brésilien a déclaré qu'une «solution négociée et démocratique» devait être trouvée.

Avec l'AFP