La recrudescence des accrochages ou attaques attribués à la guérilla du Sentier lumineux, alliée au narcotrafic, inquiète au Pérou, où elle rappelle un passé de conflit et divise la classe politique.

Le décès jeudi d'un soldat blessé la veille dans l'attaque d'un hélicoptère a porté à cinq le nombre de tués chez les forces de sécurité en huit jours, sans qu'elles puissent se prévaloir de coups comparables portés à la guérilla. Il s'agit de la  troisième attaque en trois jours dans la région montagneuse dite du «VRAE» (Vallée des fleuves Apurimac et Ene) à 5/600 km au sud-est de Lima. Dans le VRAE, comme dans l'autre fief de la coca, le Alto Huallaga (600 km au nord-est de Lima), les heurts avec la guérilla ont fait 25 morts en 2009 dans les rangs de l'armée et de la police.

Plus que le bilan lui-même, c'est la fréquence des attaques qui inquiète. Et pose la question de la menace réelle posée par ce «Sentier» nouveau, mué selon l'État péruvien en «narcoterroristes», prestataires de services paramilitaires du narcotrafic.

Ses effectifs ont gonflé. Des généraux parlent aujourd'hui de 600 combattants voire un peu plus, quand l'État les estimait à 300 il y a un an. Et s'il ne constitue plus une menace au niveau national, comme la guérilla d'inspiration maoïste des années 1980-2000, il contrôle des poches de territoire en terrain quasi-impénétrable.

Pour l'État, les heurts répétés sont le résultat d'une pression accrue sur le terrain depuis mi-2008, pour disputer aux «narcoterroristes» le contrôle de ces régions de production de coca, base de la cocaïne, dont le Pérou est le 2e producteur mondial.

Mais certains au sein même du pouvoir réclament une stratégie plus radicale. Le vice-président Luis Giampetri, ancien chef d'état-major de la marine sous la présidence de fer d'Alberto Fujimori, a ainsi demandé «que la zone (VRAE) soit déclarée zone de guerre et que soit évacuée la population civile, pour en finir» avec les narcoterroristes.

Giampetri, et avant lui le ministre de la Défense Rafael Rey, s'en sont pris à la justice civile, accusée d'ingérence suite à des convocations de militaires pour s'expliquer sur le déroulement d'opérations. La procureure générale a répliqué en défendant sa mission de recherche de la vérité sur les violations des droits de l'homme.

L'appareil militaire est d'autant plus sur la défensive qu'il a été montré du doigt le week-end dernier à l'occasion des obsèques très médiatisées à Putis (sud-est) de 92 victimes civiles d'une tuerie de 1984, exhumées d'un charnier en 2008.

Le massacre avait été imputé à l'armée par la Commission vérité et reconciliation (CRV) de 2001-03. Mais il n'y a eu aucune poursuite, un fait «inadmissible» selon l'Organe public de Médiation. Rafeal Rey, pour sa part, a une nouvelle fois récusé le rapport «biaisé et injuste envers l'armée» de la CVR.

Dans ce contexte de crispation, certains relèvent que le regain de tension dans le sud-est résulte d'un désengagement sécuritaire de ces zones lorsque la guérilla s'est éteinte après la fin en 2000 du conflit ouvert.

Jorge Montoya, ancien commandant en chef des Forces armées, estime qu'aujourd'hui, «en maintenant le niveau actuel de ressources réengagées, le narco-terrorisme peut être défait sur cinq ans».

«Mais le narcotrafic, lui, continuera», prévient-il. Selon l'expert anti-drogue et conseiller du gouvernement Romulo Pizarro, la cocaïne génère 22 milliards de dollars de revenus par an au Pérou.