La guerre des mots enfle entre Caracas et Bogota sur un accord polémique permettant aux États-Unis d'utiliser sept bases militaires en Colombie, avant un sommet extraordinaire de l'Union des nations sud-américaines vendredi en Argentine.

Mardi soir, le président vénézuélien Hugo Chavez a enjoint publiquement son ministre des Affaires étrangères, Nicolas Maduro, de «préparer la rupture de relations avec la Colombie», ajoutant: «Ça va arriver». M. Chavez, qui a fait ces déclarations à l'occasion d'une cérémonie officielle retransmise par la télévision d'État, a jugé «impossible» toute réconciliation avec la Colombie du fait de son projet d'accord militaire avec les États-Unis, qualifié de «déclaration de guerre».

Il avait déjà annoncé, à la fin du mois dernier, un «gel» des relations avec son voisin, pour protester contre l'accord militaire annoncé mi-juillet.

Le Venezuela a en outre fait savoir la semaine dernière qu'il ne prolongerait pas un accord sur la livraison de carburant à la Colombie à des prix préférentiels qui vient d'expirer.

De son côté, la Colombie avait annoncé lundi qu'elle allait demander au Conseil permanent de l'Organisation des États américains (OEA) de se pencher sur le «projet expansionniste» de M. Chavez.

Cette tension croissante entre les deux frères ennemis survient juste avant la réunion régionale de Bariloche (ouest de l'Argentine), qui avait justement pour but d'apaiser par le dialogue les tensions autour de l'accord américano-colombien, finalisé mi-août.

Celui-ci prévoit que Bogota mette sept de ses bases à la disposition des États-Unis dans le cadre d'opérations contre le trafic de drogue et les guérillas.

Quelque 300 militaires américains sont déjà basés dans le pays sud-américain dans le cadre du «Plan Colombie», destiné à lutter contre le narcotrafic, mais le nouvel accord lui permettrait de déployer jusqu'à 800 soldats et 600 civils.

Pour le Venezuela et l'Equateur, voisins de la Colombie et fers de lance de la gauche radicale latino-américaine, l'accord américano-colombien représente une menace pour la stabilité régionale.

«Des vents de guerre commencent à souffler», avait même lancé Hugo Chavez pendant un précédent sommet de l'Unasur, à Quito le 10 août.

D'autres pays de la région ont également fait part de leur préoccupation, à l'image du Brésil lui aussi frontalier de la Colombie.

Son président Luiz Inacio «Lula» da Silva a déclaré vendredi à son homologue américain, Barack Obama, dans un entretien téléphonique, qu'il existait «une certaine sensibilité dans la région» et que, «dans certains pays, cette sensibilité était plus grande», selon le chef de la diplomatie brésilienne Celso Amorim.

Le Brésil a également demandé «des garanties (...) que tant l'équipement que le personnel ne pourront être utilisés à d'autres buts que ceux déclarés par la Colombie et les États-Unis, soit le combat contre le trafic de drogue et les Farc» (Forces armées révolutionnaires de Colombie, marxistes).

La proposition brésilienne a reçu le soutien de l'Equateur, de l'Argentine et du Paraguay.

Le chef de la diplomatie chilienne, Mariano Fernández, a appelé ses pairs à «ne pas provoquer des tensions». Son homologue équatorien, Fander Falconi, a également souhaité que la réunion permette «au contraire de trouver des solutions».

Les présidents de l'Unasur, qui se réunissent au bord du lac Nahuel Huapi, entouré de sommets enneigés, doivent aussi se pencher sur les craintes d'une course aux armements dans la région.