La première femme présidente du Chili, Michelle Bachelet, semble sur le point de gagner l'une des plus importantes batailles de sa présidence. Offrir la pilule du lendemain gratuitement dès l'âge de 14 ans. Mais l'initiative demeure hautement controversée dans un pays où l'avortement est encore interdit, nous explique notre collaborateur.

Face à l'immense bâtiment rectangulaire du Congrès chilien, situé dans le port de Valparaiso, deux groupes de jeunes manifestants se font face.

 

D'un côté, on trouve les opposants au projet de loi sur la gratuité de la pilule du lendemain dans les hôpitaux publics pour les adolescentes - à partir de 14 ans - et sans autorisation préalable des parents.

Ils brandissent plusieurs pancartes qui témoignent de leur colère face au texte en discussion. Sur l'une d'entre elles, on peut lire: «Gouvernement immoral, ta pilule est illégale».

Casquette sur la tête et chemise bleue soigneusement repassée, le jeune Rodolfo Marcone soutient que «la vertu ne vient pas en capsule. Le gouvernement devrait plutôt présenter un projet de loi qui parle de la sexualité d'un point de vue plus humain».

À quelques mètres de là, Anita Peña, militante féministe aux cheveux bouclés noirs et aux lunettes rouges, est venue avec quelques amies soutenir le projet de loi. «Aujourd'hui nous vivons dans un système discriminatoire. La pilule du lendemain doit être prise en charge par le système de santé public», affirme-t-elle dans le brouhaha.

Discrimination

L'accès à la pilule du lendemain est aujourd'hui discriminatoire au Chili, car elle peut s'acheter en pharmacie sur ordonnance d'un médecin, mais est interdite dans les dispensaires publics. Or, certains n'ont pas les ressources pour payer une consultation privée.

Chaque année, 38 000 enfants naissent de mères adolescentes dans le pays sud-américain. Dans les milieux défavorisés, une fille sur cinq de moins de 20 ans a déjà un enfant, contre une sur trente dans les classes aisées.

La gratuité de la pilule du lendemain constitue «LA» bataille de Michelle Bachelet, la première femme présidente du Chili. Celle que la socialiste a érigée en symbole de sa lutte contre les inégalités sociales et en faveur des femmes. Les trois principaux candidats à la présidentielle de décembre prochain se sont ralliés au texte.

Pays très catholique

Mais la gratuité de la «píldora», comme on l'appelle au Chili, reste un sujet controversé dans un pays très catholique et où l'avortement est strictement interdit. Malgré la réticence de certains alliés politiques, les critiques de l'Église et surtout le veto du tribunal constitutionnel en 2008, Michelle Bachelet n'a jamais renoncé à son projet. Elle est désormais sur le point de le faire approuver, après trois années de débat houleux. Le Sénat chilien devrait entériner le texte dans les prochains jours, à la suite du vote positif de la Chambre des députés à la mi-juillet.

À ses opposants, la présidente socialiste qui termine son mandat en mars prochain répond: «Laissez aux femmes leur liberté de conscience, afin qu'elles décident si elles prennent ou non la pilule. Il est du devoir de l'État de leur fournir une alternative qui ne soit ni l'avortement ni la grossesse.»