Communication alarmiste, distribution trop tardive d'antiviraux, manque de coordination des autorités: des critiques commencent à s'élever contre les politiques mises en place en Amérique du Sud, à l'heure de la décrue de la pandémie de grippe porcine dans la région.

Plusieurs experts doutent que les fermetures d'écoles, désormais envisagées en Europe avant l'arrivée de l'automne boréal, aient contribué à freiner l'expansion de la grippe. «Au début, cela a un intérêt, mais par la suite non», estime l'épidémiologue argentin Daniel Stamboulian.

«Cela a un effet limité», ajoute son collègue chilien Luiz Martinez Oliva, pour qui la fermeture des frontières «ne contribue» pas davantage «à enrayer la pandémie».

L'Argentine - qui a suspendu pendant deux semaines ses vols à destination du Mexique, foyer mondial de la pandémie début mai, et a étendu la durée des vacances scolaires d'hiver en juillet - est aujourd'hui le deuxième pays au monde le plus touché par le nouveau virus A(H1N1), derrière les États-Unis.

Le dernier bilan publié le 13 août fait état de plus de 400 morts et de près de 800.000 malades dans le pays.

La directrice du Centre national de la grippe, Vilma Savy, souligne en outre que son laboratoire «a manqué de bras» ces dernières semaines car «des employées ont dû rester chez elles garder leurs enfants dont les écoles étaient fermées».

Jorge Yabkowski, président de la Fédération syndicale des professionnels de la santé argentins, juge même les autorités pour partie responsables du bilan élevé de la maladie.

«Une des explications de ce taux de mortalité aussi élevé réside dans la généralisation trop tardive de l'usage de l'oseltamivir (traitement antiviral aussi commercialisé sous le nom de Tamiflu, ndlr)» à l'ensemble des malades présentant les symptômes de la grippe porcine, sans attendre la confirmation qu'il s'agissait du virus A(H1N1), estime-t-il.

«La décision n'a été prise que le 29 juin et n'a commencé à être appliquée que le 4 juillet, alors que le pic de la pandémie dans le pays est survenu entre le 20 et le 27 juin, semaine où il y a eu le plus de morts et de personnes hospitalisées,» souligne-t-il.

Selon lui, l'Argentine a aussi souffert de la démission de la ministre de la Santé, Graciela Ocana, survenue le 29 juin au lendemain de la défaite du gouvernement Kirchner aux législatives, qui a provoqué des carences dans la «conduite des politiques publiques» au moment du pic de la pandémie.

Il déplore aussi «le manque de coordination entre le ministère national de la Santé et les autorités régionales» dans ce pays fédéral.

Sans citer de pays en particulier, le président de la société péruvienne d'épidémiologie, Martin Yagui Moscoso, estime aussi que «dans d'autres pays, les mesures des autorités sanitaires n'ont pas été respectées et leur impact en a souffert».

Si tous les gouvernements de la région dressent un bilan positif de leur action, plusieurs experts critiquent aussi leur communication.

«La communication des autorités a été très mauvaise. Elles faisaient un point quotidien en donnant le nombre de cas et de morts sans donner aucun contexte, ce qui sert seulement à paniquer les gens», estime Vilma Savy, directrice du Centre national de la grippe en Argentine.

«Les personnes ont cru qu'attraper la grippe À était quasiment une condamnation à mort», abonde son collègue brésilien Fabio Franco.

Parmi les points positifs, l'épidémiologiste uruguayen Eduardo Savio relève en revanche que les campagnes d'information pour inciter la population à consulter à domicile ont permis «d'éviter un effondrement du système de santé» en empêchant que «le virus se transmette au sein des hôpitaux».