Plusieurs voix s'élèvent en Colombie contre l'immunité dont bénéficieront 800 militaires américains opérant dans le cadre du nouvel accord militaire entre les deux pays, même si le gouvernement assure qu'ils ne jouiront pas de prérogatives sans limites.

«L'immunité ne signifie pas l'impunité», assure Bogota depuis l'annonce de ce plan permettant aux États-Unis d'utiliser sept bases colombiennes pour lutter contre le trafic de drogue et les guérillas.

L'accord devrait être signé dans quelques semaines après avoir été examiné par les instances gouvernementales des deux pays, a indiqué mardi un porte-parole du Département d'État Ian Kelly.

«Cet accord comprend plusieurs dispositions importantes parmi lesquelles le fait qu'il n'y aura pas de juridiction américaine ou de cour martiale en territoire colombien», a déclaré dimanche le ministre colombien des Affaires étrangères, Jaime Bermudez.

Il souligne aussi que la justice colombienne «pourra participer aux enquêtes sur les fonctionnaires américains» et qu'il sera également «possible de demander la levée de l'immunité de ces fonctionnaires».

«Les États-Unis se sont engagés à verser d'éventuelles indemnisations,» a-t-il encore assuré, avant de préciser que les civils américains recrutés pour ces opérations «ne bénéficieront d'aucune immunité». «Cela n'était pas le cas dans le passé», a affirmé M. Bermudez.

Il fait référence au régime juridique adopté dans le cadre du «Plan Colombie», cet accord de coopération pour la lutte antidrogue en vertu duquel les États-Unis ont versé 5,5 milliards de dollars à la Colombie depuis 1999.

Ses propos n'ont cependant pas fait taire les inquiétudes en Colombie, où une plainte déposée en 2007 par une mère de famille, pour le viol présumé de sa fille de 12 ans par un militaire et un civil américains participant au «Plan Colombie», est restée sans suite.

Pour le président de la Cour constitutionnelle de Colombie, «l'immunité accordée aux soldats des États-Unis n'a aucune justification», car «elle viole le principe d'égalité» vis-à-vis des soldats colombiens.

«Cette immunité peut même se convertir en impunité car pour qu'elle soit levée, il faudra enclencher un processus diplomatique qui pourra s'éterniser, voire ne pas aboutir», ajoute Jose Gregorio Hernandez.

L'ancien ministre de la Défense, le général à la retraite Rafael Samudio, déplore le peu d'informations ayant filtré sur ce sujet et doute que la justice colombienne pourra enquêter sur les éventuels forfaits commis par des soldats américains.

«Par principe, les États-Unis refusent que leurs militaires soient jugés dans un autre pays et n'acceptent pas de les extrader. C'est pour cela, qu'ils n'ont pas signé le traité instituant la Cour pénale internationale (CPI)», a-t-il déclaré à l'AFP.

«Les États-Unis ont une conception de l'armée totalement différente de la nôtre,» a-t-il ajouté.

Le directeur de la fondation privée Sécurité et démocratie, Alfredo Rangel, estime néanmoins que l'accord d'une durée de dix ans est «très positif pour la Colombie» et qu'il contient des avancées «qu'aucun autre pays ayant des accords similaires avec les États-Unis n'a obtenues».