Les Équatoriens ont confirmé aux commandes Rafael Correa, président de gauche très populaire désormais doté de pouvoirs amplifiés, une victoire aisée selon ses dires.

Depuis son arrivée à la tête du très instable Équateur il y a deux ans, le jeune économiste de 46 ans a multiplié les mesures sociales (triplement des dépenses en matière d'éducation et de santé, doublement des allocations pour les mères-célibataires, aides aux petits paysans...) et protectionnistes.

«Enterrons la partitocratie», lançait-il jeudi soir, sûr de sa victoire, devant la foule de ses partisans en chemise verte lors de son meeting de fin de campagne, à Palestina, au nord du port de Guayaquil. Avant de faire claquer une nouvelle fois ce ceinturon («correa» en espagnol), sa marque de fabrique, avec lequel il appelle à frapper ses ennemis...

«Il est sincère, il a fait ce que d'autres n'avaient pas fait: il a baissé le prix de l'électricité, nous a donné des subventions et tenu toutes ses promesses», note Luis Ariolfo Hugo, 73 ans.

Rafael Correa avait selon les derniers sondages vingt points d'avance sur son principal rival, l'ancien président et ex-putschiste Lucio Gutiérrez. Le roi de la banane, Alvaro Noboa, battu par Correa en 2006, est loin derrière.

Il serait donc le premier président en 30 ans élu dès le premier tour (avec 50% des voix ou 40% avec un écart d'au moins dix points...)

En campagne à Quito, Gutiérrez, chassé du pouvoir en 2005, a parlé d'un «pays fatigué des coups de ceinturon», tandis que Noboa, à Guayaquil, qualifiait Correa de «tyran», se refusant à «baisser la tête» devant un homme qui «veut nous arracher nos propriétés et notre monnaie», le dollar.

En vertu de la nouvelle Constitution, adoptée par référendum en septembre dernier, le président pourra se représenter pour un second mandat de quatre ans en 2013. Son mandat en cours a été automatiquement interrompu par la réforme constitutionnelle.

Les Équatoriens votent également dimanche pour leurs maires, gouverneurs et une nouvelle Assemblée nationale de 124 membres, dont six représentant les Équatoriens de l'étranger. La nouvelle loi fondamentale a également abaissé à 16 ans l'âge légal pour voter et élargi le corps électoral aux soldats, policiers et détenus qui jusqu'ici ne votaient pas.

Comme son allié le Venezuela, l'Équateur, petit pays de 14 millions d'habitants, a connu une croissance de 6,5% l'année dernière, grâce aux revenus de la manne pétrolière. Mais au premier trimestre 2009, ces revenus ont déjà baissé de 67%.

Si le modèle de gouvernement de Correa a connu le succès pour ce qui est de la redistribution des richesses et de l'attribution de ressources aux programmes sociaux, ce n'est pas le cas pour ce qui est de créer de nouveaux types de productivité, note Vladimir Sierra, chef du département de sociologie de l'Université catholique de Quito.

La mesure la plus controversée prise par Correa aura été de refuser de s'acquitter des intérêts d'une dette extérieure de 10,1 milliards de dollars, ce qui a «contribué à l'isolement» de l'Équateur, provoqué une fuite des capitaux et une réduction des lignes de crédit, obligeant les gens à garder leurs économies chez eux, note l'économiste Ramiro Crespo, d'Analytica Securities.

Et les experts pensent que cette politique va pousser l'Équateur à renoncer à la dollarisation. Le pays est encore aujourd'hui la principale économie mondiale hors États-Unis à fonctionner avec le billet vert américain en guise de devise nationale.

Si ses détracteurs reprochent à la nouvelle Constitution de concentrer trop de pouvoirs, notamment budgétaires, entre les mains du président, nombre d'analystes estiment qu'il fallait un exécutif fort au pays après de longues années de gouvernement corrompu et inefficace.

L'Équateur a vu dix présidents défiler en succession rapide depuis 1997, dont trois chassés par la révolte de la rue. «La réussite de Correa est qu'il a combiné ordre et changement», estime l'analyste politique indépendant Jorge Leon. «Son gouvernement est dur, plutôt autoritaire» et particulièrement exigeant en matière économique: Correa en est à son quatrième ministre des Finances...