Treize militaires péruviens ont été tués dans une double embuscade attribuée au Sentier Lumineux, une des pires attaques en dix ans, signe d'une stratégie militaire qui peine à déloger la guérilla, désormais liée au trafic de drogue, des zones de culture de coca du sud-est.

Quelque 160 commandos, dépêchés par hélicoptères, tentaient ce week-end traquer les assaillants, dans une zone de montagne et de forêt vierge du département d'Ayacucho, à 550 km au sud-est de Lima, selon la presse citant les autorités militaires. Les embuscades, à la grenade, dynamite et mitraillette, impliquant près de 200 assaillants, ont été menées à quelques heures d'intervalle jeudi soir contre deux convois de 31 militaires. Selon le ministre de la Défense, qui a révélé le bilan samedi, «la plupart des soldats sont tombés dans un précipice».

C'est l'opération la plus meurtrière attribuée au Sentier lumineux depuis octobre, quand une attaque, dans la même région, avait fait 14 morts, 12 militaires et deux civils.

Ces deux bilans sont les pires en matière d'attaques de guérillas depuis une décennie et les derniers feux du conflit entre le Sentier lumineux (maoïste), le Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA, guévariste) et les gouvernements successifs, qui fit 70 000 morts ou disparus entre 1980 et 2000.

Le chef du Sentier, Abimael Guzman, capturé en 1992, a été condamné en 2006 à la prison à vie.

Mais dans le sud-est, la vallée des fleuves Apurimac-Ene et la forêt de Vizcatan ont vu en 2008-2009 un regain d'accrochages entre forces de sécurité et résidus des guérillas. Ces dernières, qui comptent quelques centaines d'individus, sont liées depuis deux ou trois ans au trafic de drogue, dont elles assurent la protection, selon les autorités.

Le Pérou est le deuxième producteur mondial de coca, dont est extraite la cocaïne, une production en hausse en 2007 et en 2008, selon l'Office de l'ONU contre la drogue et le crime.

Pour le premier ministre Yehude Simon, ces récentes embuscades sont une «réponse désespérée du Sentier lumineux aux avancées des forces armées», qui ont lancé à la mi 2008 une vaste campagne visant à éradiquer les poches de non-droit dans cette région difficile d'accès, devenue zone de guerre.

Depuis un peu plus de cinq ans, cette vallée de culture de coca, «coeur de la drogue péruvienne», a connu 21 embuscades de ce type qui ont fait au moins 68 morts, dont 35 militaires, 23 policiers et une dizaine de civils, note Jaime Antezana, un analyste expert en matière de trafic de drogue et de violences.

«Ces attaques ne sont pas des actes isolés, mais systématiques. Il s'agit  de forces rebelles à grande mobilité qui ont accrû leur présence dans cette vallée depuis 2005», explique-t-il.

«Je n'ai aucun doute que cette région sera libérée des restes des terroristes dans les prochaines années», a affirmé samedi le premier ministre, excluant une changement de stratégie. «Nous gagnerons la guerre», a insisté le ministre de la Défense Antero Flores-Araoz.

Mais des voix se sont élevées ce week-end pour réclamer des changements dans la lutte contre l'alliance stratégique du «narco-sentier».

Pour Jaime Antezana, «l'action militaire doit aller de pair avec une lutte contre le trafic de drogue, car là est la source économique».

Rolando Luque, chef d'un Institut d'études de défense, a réclamé dimanche dans le journal El Comercio davantage d'infiltration et de renseignement, estimant que la lutte ne devait pas se résumer à de la seule présence armée. Et demandé un plan d'aide à la population locale pour «briser sa dépendance vis-à-vis du trafic de drogue et du Sentier».