L'ex-chef d'Etat péruvien Alberto Fujimori attendait mardi le verdict de son procès pour des violations des droits de l'homme entre 1990 et 2000, jugement générant une certaine crispation à Lima, où ses partisans, comme ses victimes, ont appelé à des rassemblements.

Un total de 10.000 policiers ont été placés en état d'alerte dans la capitale Lima, de lundi jusqu'à mercredi le lendemain de la sentence, tandis que le président Alan Garcia, comme les hautes autorités judiciaires, ont appelé les Péruviens à respecter la décision judiciaire.

M. Fujimori, 70 ans, risque 30 ans de prison pour son rôle présumé dans deux massacres de civils qui firent 15 morts en 1991 et 10 morts en 1992, perpétrés par un escadron de la mort, dans le cadre de la guerre sans pitié que menait alors l'Etat contre les guérillas de gauche.

M. Fujimori qui dit n'avoir jamais ordonné la mort de quiconque, est déjà en détention, condamné fin 2007 à six ans de prison dans une affaire d'abus de pouvoir. Il doit encore être jugé pour deux affaires de corruption.

Sa fille Keïko, députée populaire qui songe à se présenter à la présidentielle de 2011, devait s'exprimer après le verdict, et a appelé les partisans de Fujimori à manifester leur mécontentement s'il est condamné. La défense a réclamé l'acquittement.

Mercredi, ils avaient été 300 à suivre, sans incidents, l'ultime déposition à la barre de Fujimori, sur un grand écran disposé près d'un local de partisans, non loin de la Direction des Forces spéciales de la police, où le procès se déroule depuis fin 2007.

Des défenseurs des droits de l'homme, et des familles de victimes des tueries de Barrio Altos (1991) et La Cantuta (1992) ont eux aussi appelé à un rassemblement près du lieu du procès, qui devait être surveillé par un imposant cordon de police.

Les années Fujimori sont loin, deux présidences centristes -- Alejandro Toledo puis Alan Garcia depuis 2006 -- ont depuis tranché avec la poigne de fer du populiste «Chino», le Chinois, surnom de Fujimori aux racines japonaises.

Mais l'ancien président, malgré les dérives autocratiques et une fin d'exercice sombrant dans la corruption, a gardé une certaine aura, et 31% de Péruviens, d'après un sondage récent se disent «d'accord» avec les idées du «fujimorisme».

Beaucoup l'associent encore à la stabilisation de l'économie dans les années 90, et surtout à la défaite des guérillas du Sentier Lumineux (maoïste) et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (guévariste), un sanglant conflit qui fit 70.000 morts et disparus entre 1980 et 2000.

Fujimori et ses partisans ont dénoncé un procès «politique». Le juge présidant les audiences Cesar san Martin a affirmé que «personne n'a fait pression (sur le tribunal) et nous ne laisserons personne le faire».

Le président de la Cour suprême, Javier Villa Stein, a appelé lundi les Péruviens a «respecter la portée du jugement qui sera émis», tout en reconnaissant que le pays vivait «un moment historique, un fait sans précédent dans son histoire judiciaire».

«S'ils (les Fujimoristes) ne sont pas d'accord, ils peuvent faire appel. C'est une chose qu'offre la démocratie, et que les dictatures ne permettent pas», a lancé le président Alan Garcia, en référence aux progrès démocratiques depuis le Pérou de Fujimori.

La lecture du verdict, prévue mardi matin, devrait s'étirer sur plusieurs heures.

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