Difficile de succéder à Fidel à Cuba : un an après son intronisation, les réformes de son frère Raul Castro sont encore loin d'avoir répondu aux attentes, dans l'île comme à l'étranger, malgré une percée diplomatique.

Incarner la relève du «lider maximo» de 82 ans, écarté du pouvoir par la maladie depuis deux ans et demi, n'est pas le moindre défi posé à l'ancien chef de l'armée, de cinq ans son cadet, investi à titre définitif le 24 février 2008.

Bien que moins charismatique, le nouveau numéro un cubain a soulevé une immense expectative, après avoir promis des «changements» et proposé un «dialogue d'égal à égal» aux Etats-Unis, l'ennemi déclaré.

«Raul a adopté une approche plus pragmatique et ouvert un mécanisme de dialogue qui va au-delà des affinités idéologiques», indique à l'AFP un diplomate étranger à La Havane.

Sous sa houlette, Cuba a intensifié la coopération avec les vieux alliés russe et chinois, tout en s'intégrant davantage à une Amérique latine plus à gauche, dont six dirigeants ont fait le déplacement dans l'île depuis le début de l'année.

Ses mesures d'assouplissement ont en revanche déçu au sein de la population et n'ont pas convaincu le président américain Barack Obama de lever ou alléger l'embargo commercial instauré depuis 47 ans.

Les Cubains ont désormais le droit d'acheter ordinateurs et portables ou de se loger à l'hôtel mais, avec un salaire mensuel de 18 dollars, ils n'en ont pas les moyens et le marché noir reste de rigueur, malgré une lutte acharnée des autorités.

«On est toujours dans le tiers-monde. Ce sont des changements de façade», proteste Manuel Lopez, un peintre de 59 ans, tandis que Nelson Rodriguez, un vendeur de 42 ans, estime avoir «les bons et les mauvais côté du socialisme», en soulignant la gratuité de la santé et de l'éducation.

Face à une économie exsangue, qui a pâti de l'effondrement de l'Union soviétique, Raul Castro a tenté d'impulser des réformes plus profondes, n'hésitant pas à briser le dogme de l'«égalitarisme».

Son gouvernement a ordonné le déplafonnement des salaires pour relancer la productivité et autorisé la privatisation de terres improductives dans un pays important 84% de ses besoins alimentaires.

Mais ces mesures peinent à se mettre en place dans une bureaucratie minée par la corruption et ont dû être différées après le passage d'ouragans dévastateurs, dont les dégâts ont coûté 10 milliards de dollars, le cinquième du produit intérieur brut.

La «vieille garde» du régime, incarnée par Fidel, se charge en outre de résister aux avancées trop libérales. «Pas de concessions honteuses», a tranché le fondateur du régime, dans l'une de ses nombreuses «Réflexions» dans la presse.

Les thèmes sensibles restent aussi en suspens comme les droits fondamentaux ou la possibilité de quitter l'île, même si Cuba a renoué l'an dernier la collaboration avec l'Union européenne, suspendue depuis 2003 après une vague de répression contre la dissidence.

Lors de l'examen annuel de l'ONU, plusieurs pays ont réclamé la libération de détenus politiques, dont le nombre s'élèverait encore à 205 selon les organisations des droits de l'Homme.

«Tout semble indiquer que le secteur le plus conservateur ne veut aucun type de changement», regrette Oscar Espinosa, un dissident modéré, pour qui le chef de l'Etat a «du mal à se défaire de l'héritage de Fidel».

Lors du cinquantenaire de la Révolution, Raul Castro a lui-même annoncé «des temps encore plus difficiles», affirmant que «les prochains cinquante ans seront aussi une lutte permanente».

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