Le commandant des forces armées colombiennes et patron de l'opération «Jaque» au cours de laquelle Ingrid Betancourt avait été libérée a démissionné mardi, emporté par le scandale des exécutions extra-judiciaires, qui a déjà coûté leur poste à 27 militaires.

Une semaine après l'annonce de leur destitution, le général Mario Montoya, 59 ans dont 39 au service de l'armée, a démissionné sans explication, déclarant simplement qu'il gardait tout son «amour pour l'armée et la patrie».

Le président Alvaro Uribe a annoncé que le général, considéré comme un de ses proches et nommé à la tête de l'armée en 2006, serait remplacé par le général Oscar Gonzalez, 55 ans, jusque-là chef du commandement pour la zone Caraïbe et ancien attaché militaire aux États-Unis.

La démission du général Montoya, réclamée par l'opposition tout comme celle du ministre de la Défense Juan Manuel Santos, intervient alors que le scandale lié à la disparition d'une vingtaine de jeunes des quartiers pauvres du sud de Bogota ne cesse d'enfler.

A peine quelques jours après leur disparition à Bogota, ils avaient été déclarés morts au combat dans les rangs des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) dans le département Norte de Santander (nord-ouest).

Cette «mort au combat» a paru peu vraisemblable à leurs proches estimant qu'ils n'avaient pas pu, en seulement quelques jours, rejoindre la guérilla, recevoir une formation et participer à des opérations.

Lorsque le scandale a éclaté fin septembre certains ont fait le rapprochement avec la pratique dite des «faux positifs», consistant pour certaines unités de l'armée à exécuter des civils pour gonfler les chiffres de guérilleros tués et obtenir ainsi des récompenses.

La pratique a été amplement dénoncée par les organisations de défense des droits de l'Homme, dont Amnesty international.

En 2007, selon cette ONG, 330 exécutions extra-judiciaires par les forces de l'ordre ont été comptabilisées, contre 220 en moyenne en 2004-2006 et une centaine en 2002.

Au lendemain de l'annonce de la destitution des 27 militaires, les plaintes pour «disparition inquiétante» ont explosé.

Des associations et des proches ont fait état de la mort douteuse de 150 autres civils présentés comme des guérilleros ou des paramilitaires morts au combat dans plusieurs régions du pays.

Parallèlement, les révélations ont continué à se multiplier. L'édition dominicale du journal El Tiempo a cité le témoignage d'un paramilitaire démobilisé qui a raconté avoir mis en contact six ou sept jeunes avec un soldat pour du travail dans une hacienda du nord du pays. Six d'entre eux ont été ensuite déclarés «morts au combat».

Le général Montoya était un des hommes clefs du programme du président Uribe élu en 2002.

Outre pour ses succès dans la guerre contre les Farc et la libération, le 2 juillet, de 15 des plus précieux otages de la guérilla, dont la Franco-colombienne Ingrid Betancourt, il était connu pour avoir mis en oeuvre le «Plan Colombie» de lutte anti-drogue menée en collaboration avec l'armée américaine.

Il faisait aussi l'objet de critiques, notamment pour sa gestion à la tête de la IVe brigade de l'armée, déployée dans la région de Medellin entre fin 2001 et fin 2003. Des démocrates américains ont demandé sa démission pour violations des droits de l'Homme.

Mercredi, Amnesty international a réclamé une «enquête indépendante» sur ces violations présumées, dont des exécutions extra-judiciaires, estimant que la démission du général Montoya ne devait pas «servir d'excuse pour les enterrer».