Le président Alan Garcia se retrouve samedi dans une posture délicate au Pérou, ébranlé par un scandale de corruption qui a provoqué la chute de son gouvernement et une attaque meurtrière de la guérilla maoïste du Sentier lumineux, en pleine résurgence.

Le pays latino-américain vit depuis une semaine une crise politique larvée avec la révélation d'une affaire présumée de pots de vin de la compagnie pétrolière norvégienne Discover à l'organisme public Petroperu, chargé d'attribuer les concessions d'exploitation. Pour échapper à une motion de censure au parlement, où son parti ne dispose pas d'une majorité suffisante, M. Garcia, qui avait déjà renvoyé son ministre du Pétrole dans l'espoir d'éteindre l'incendie, a accepté vendredi soir la démission de son gouvernement.

Confronté à mi-mandat à une popularité en berne de 20%, la plus faible depuis son élection en 2006, le président péruvien, un social-démocrate qui mène une politique de libéralisation à tout crin, a déploré un «jeu politique, où la stratégie, la passion et les appétits conspirent à exagérer le moindre problème au delà de toute proportion».

À l'origine du scandale, un enregistrement diffusé par la télévision a trahi les propos d'un haut responsable de Petroperu, Alberto Quimper et d'un influent militant du parti gouvernemental, Romulo Leon, en train de se réjouir des juteux versements et de la «bonne affaire» réalisée avec Discover.

Ces personnes, dont le premier est détenu et le second en fuite, auraient fait pression pour que la compagnie norvégienne obtienne le mois dernier un contrat d'exploration de cinq blocs sur le plateau continental péruvien et dans la région de Madre de Dios (sud-ouest).

Le contrat a depuis été rompu et la firme scandinave a officialisé vendredi l'abandon de ses activités au Pérou, tout en se disant victime de la part d'intermédiaires.

Selon les enregistrements téléphoniques, l'un de ses représentant, l'homme d'affaires dominicain, Fortunato Canaan, s'était proposé de «graisser la patte» des fonctionnaires péruviens.

Toutes ces révélations ont eu l'effet d'une bombe dans ce pays rengorgeant de matières premières et fort du record de la croissance économique en Amérique latine (9%) mais où la pauvreté touche encore plus du tiers de la population.

 Le scandale a rapidement mis le gouvernement dans une position intenable, sous les feux de l'opposition, tout bords confondus, à l'image des rivaux malheureux de M. Garcia à la présidentielle, qui exigeait le départ de son premier ministre Jorge del Castillo.

L'ancienne candidate conservatrice Lourdes Flores avait averti que tout retard «rendrait les choses encore pires», tandis que le nationaliste de gauche, Ollanta Humala, pointait la «sérieuse responsabilité» du pouvoir.

La crise fait ressurgir le spectre de la gestion calamiteuse de M. Garcia lors de son premier mandat entre 1985 et 1990, qui s'était soldé par la faillite des comptes publics et l'expansion des attentats du Sentier lumineux.

La résurgence de la guérilla s'est justement confirmée cette semaine, après une embuscade jeudi soir dans le sud-est du pays, qui a fait 14 victimes, dont 12 militaires et deux civils, constituant la pire attaque survenue depuis une décennie.

Les affrontements entre l'armée et le Sentier Lumineux, émaillés de massacres de civils commis de part et d'autre, ont fait environ 70 000 morts entre 1980 et 2000, selon la Commission nationale vérité et réconciliation.

Le fondateur du Sentier lumineux, Abimael Guzman, a été condamné en 2006 à la réclusion à perpétuité, concluant un chapitre sanglant de l'histoire péruvienne, mais la guérilla a refait son apparition dans les zones productrices de coca, base de la cocaïne, dont le Pérou est le second producteur mondial.