Longtemps considéré comme la base arrière des États-Unis contre les guérillas d'Amérique centrale, le Honduras vient de faire un pied de nez à Washington... pour s'allier à Hugo Chavez. Une union présentée par le président du Honduras, Manuel Zelaya, comme une bouée de sauvetage.

La photo officielle de la dernière réunion des dirigeants de l'Alternative bolivarienne pour les Amériques, l'Alba, avait un aspect quelque peu inhabituel.

 

L'inévitable Hugo Chavez, instigateur de cette alliance destinée à faire échec aux ambitions de Washington sur le continent, était bien sûr présent. Le président du Venezuela était sanglé dans un impeccable costume bleu.

Evo Morales, l'ancien syndicaliste bolivien, qui a depuis expulsé de son pays l'ambassadeur des États-Unis, était également de la fête. Aux côtés de Carlos Lage, vice-président cubain, et de l'ex-guérillero Daniel Ortega, à la tête du Nicaragua.

Une véritable réunion de famille à laquelle assistait aussi l'inattendu Manuel Zelaya, président du Honduras, un pays gouverné par la droite depuis plus d'un siècle et qui fut la base arrière des États-Unis contre les guérillas d'Amérique centrale.

Avant d'être élu en novembre 2005, ce grand propriétaire terrien était surtout célèbre pour son rôle à la tête des professionnels du bois, responsables par ailleurs d'une déforestation catastrophique. Depuis sa prise de fonction, il s'est aussi fait connaître par ses méthodes particulièrement répressives contre les manifestations d'enseignants ou de chauffeurs de taxi.

Le 25 août dernier, pourtant, Manuel Zelaya célébrait son entrée dans l'Alba «sans demander la permission à la puissance impérialiste», mais en avouant son attrait pour les pétrodollars vénézuéliens, faute de mieux.

Bouée de sauvetage

«Il y a six mois, pour faire face à la hausse des prix, je suis allé chercher de l'aide auprès du secteur privé.... Il m'a fermé la porte au nez. Quant à la Banque mondiale, elle ne m'offrait que dix millions de dollars», a indiqué le président hondurien.

Hugo Chavez, lui, s'est montré beaucoup plus généreux, avec un prêt de 132 millions de dollars destiné à relancer la production agricole. Comme membre de Petrocaribe, association à travers laquelle le Venezuela livre du pétrole à bas prix à une quinzaine d'États de la région, le Honduras bénéficie par ailleurs d'un autre bonus, annuel, de 350 millions de dollars.

Manuel Zelaya, à la tête d'un pays où six personnes sur dix vivent en dessous du seuil de pauvreté, présente l'alliance avec Caracas comme une bouée de sauvetage. Pour Enrique Ortez Colindres, ancien conseiller du président hondurien, cette relation va cependant bien au-delà du seul bénéfice financier. «Avant d'être président, il m'avait déjà dit qu'il ne croyait pas en la démocratie telle qu'elle existait, qu'il allait attaquer les multinationales, les institutions de l'État, et mettre en avant le pouvoir citoyen.C'était déjà le slogan de sa campagne électorale.»

Des accents révolutionnaires que Manuel Zelaya a retrouvés le mois dernier, à la tribune de l'ONU, quand il a fustigé «le capitalisme sauvage qui joue avec les peuples».

Des «traîtres», dit Chavez

Auparavant, en solidarité avec la Bolivie qui venait d'expulser le représentant américain de La Paz, il avait repoussé de plusieurs jours la réception des lettres de créance du nouvel ambassadeur des États-Unis à Tegucigalpa.

Dans un pays qui envoie 89% de ses exportations vers les États-Unis et qui reçoit chaque année trois milliards de dollars de ses migrants, certains commencent aujourd'hui à se demander si «Mel», fervent amateur de guitare et d'équitation, n'a pas perdu la tête.

«Le président parle d'abord et pense après, déplore Juan Ferrara, ancien ministre des Finances. S'il continue sur ce chemin, nous allons avoir des problèmes.»

«Profiter de cet argent pour des projets hydroélectriques, pour l'agriculture, oui, ajoute Roberto Micheletti, président du Congrès. Mais je suis en désaccord si cette alliance devient politique, idéologique ou militaire.» Un débat qu'Hugo Chavez a déjà tranché en qualifiant de «traîtres» tous les Honduriens opposés à l'Alba.