Des soldats lourdement armés, le doigt sur la gâchette, sont postés par petits groupes dans les rues étroites de la Rocinha, pour assurer le bon déroulement de la campagne des municipales face aux trafiquants qui contrôlent cette favela, la plus grande de Rio.

Le déploiement massif de l'armée dans les bidonvilles de Rio a été décidé par le gouvernement du président Luiz Inacio Lula da Silva pour permettre à la douzaine de candidats à la mairie de faire campagne dans les quartiers déshérités de la ville tenus par des bandes rivales de trafiquants.

A quelques jours du scrutin du 5 octobre, «l'Opération Guanabara» mobilise 3500 soldats, dont 500 ont été envoyés à la Rocinha. Cette favela de 120000 habitants, où les habitations précaires s'accrochent aux pentes escarpées d'un «morro», domine les quartiers riches de la zone sud de la ville.

Le responsable de l'opération, le colonel André Luis Novaes Miranda, a expliqué à l'AFP que l'objectif «est de faire en sorte que la population se sente en confiance pour se réunir et parler aux candidats».

Mais les militaires occupent les lieux... trois jours, puis partent se déployer dans une autre favela.

Certains avancent ainsi une autre explication à cette opération plutôt symbolique. «C'est une réponse pour l'opinion publique», assure Antonio Xaolin, secrétaire général de l'Association des habitants de la Rocinha, alors que la presse relate quotidiennement les actes de violence qui gangrènent la «cité merveilleuse».

Dans les faits, l'armée ne s'est pas aventurée dans le haut de la favela, sur le territoire des bandes armées, se contentant surtout de patrouiller les rues animées du bas du quartier, appuyée par un véhicule blindé qui monte la garde à l'entrée.

«L'armée a été bien reçue, dit Xaolin. Il n'y a pas eu de conflit avec les trafiquants car elle est venue en force».

Un soldat confirme l'absence d'incidents. «On a été bien mieux reçu qu'on ne le pensait», affirme-t-il.

Mais les candidats ne se sont pas précipités pour faire campagne. D'ailleurs, vu de la Rocinha, la mairie de Rio, c'est loin. La vraie bataille, ici, c'est pour l'un des postes de conseillers municipaux. Et, pour la première fois, la favela qui compte 68.000 électeurs, a ses propres candidats.

Comme Carlos Costa, qui milite depuis dix-huit ans au Parti des Travailleurs (PT), le parti de Lula. Mais sa campagne discrète ne fait pas d'ombre au grand favori, Claudinho.

«C'est un bon candidat car il connaît toutes les carences de la favela», dit Marlene dos Santos, une manucure de 45 ans.

Allié au très contesté évêque évangéliste et candidat à la mairie Marcelo Crivella, Claudinho est omniprésent. Au point que la presse carioca l'a accusé d'être le candidat des trafiquants.

Ce que Xaolin rejette avec force. «Selon la justice, toutes les accusations se sont révélées fausses», affirme-t-il.

«On a inventé que c'était le candidat des trafiquants de drogue. Mais, c'est toute la favela et les pauvres que la bourgeoisie criminalise» par ces accusations, s'insurge le responsable de l'association dont le bureau est tapissé de photos de Lula, dont une avec Fidel Castro.

Selon lui, Claudinho «pourra obtenir de meilleures conditions de vie pour la favela» où le gouvernement de Lula a entrepris des travaux de réhabilitation de grande ampleur. Car, dans ce quartier, où le crime organisé a pris la place vacante de l'Etat, tout est encore à faire.