Le référendum de dimanche sur une nouvelle Constitution en Equateur intervient dans un contexte mouvementé pour les tenants du «socialisme du XXIème siècle en Amérique latine», après les difficultés de l'allié bolivien Evo Morales et alors que l'ami vénézuélien Hugo Chavez est fragilisé.

Le 14 janvier 2007, Rafael Correa, professeur d'économie issu des couches populaires, inaugurait son mandat présidentiel lors d'une cérémonie indigène avec pour parrains les deux leaders latino-américains dont il est le plus proche: le Bolivien Morales élu en 2005 et le Vénézuélien Chavez, au pouvoir depuis 1998.L'image des trois présidents, dont deux en tenues traditionnelles, symbolisait l'axe de gauche, radical et anti-libéral, qui se formait en Amérique Latine.

«Ils promettaient tous de grands changements et le point de départ était de changer la Constitution, car (selon eux, ndlr) le système pré-existant ne pouvait être amélioré. Il fallait repartir de zéro. Dans ces trois pays, les partis traditionnels avaient échoué», explique Peter de Shazo, directeur des Amériques joint par téléphone au Centre d'études internationales et stratégiques (CSIS, Washington).

Deux des trois dirigeants sont aujourd'hui en difficulté.

En Bolivie, Evo Morales n'arrive pas à faire adopter son projet de Constitution devant entraîner une centralisation, une réforme agraire et une nouvelle répartition des ressources énergétiques.

Le débat sur la réforme, à laquelle sont opposés les régions prospères du sud et sud-ouest, a entraîné début septembre des violences ayant fait au moins 18 morts. Morales espère sauver sa réforme en organisant un référendum en décembre.

Pendant ce temps, au Venezuela, «Chavez compte encore 50 à 55% d'opinions favorables mais le manque de produits de première nécessité, la délinquance, les difficultés économiques ont entraîné un désenchantement grandissant», estime Michael Shifter, spécialiste des pays andins à l'Institut d'études Inter-american dialogue, à Washington.

Si, en 1999, M. Chavez avait rapidement fait adopter une nouvelle Constitution, en décembre 2007, un nouveau référendum sur la nécessité de réformer encore la loi fondamentale avait été rejeté.

Des trois dirigeants, c'est Rafael Correa, inconnu de ses concitoyens deux ans avant d'être élu, qui s'en sort le mieux.

La Constitution qu'il veut faire adopter ne va pas jusqu'à prôner des nationalisations comme en Bolivie, mais instaurera la planification de l'économie, des pouvoirs renforcés pour le président et un rôle central de l'Etat.

L'opposition conservatrice n'a pas réussi à mobiliser contre ce texte, face à un gouvernement qui multiplie les programmes pour promouvoir la gratuité de la santé et de l'éducation, dans un pays où 50% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Correa «a pratiqué une politique de subventions, de bons, de cadeaux et de travaux publics sans aucun contrôle», a déclaré à l'AFP l'un de ses grands opposants, Vladimiro Alvarez, ex-candidat à la présidentielle. Pour cet éditorialiste, le président a profité de «l'ingénuité de personnes sans discernement suffisant», même si M. Alvarez admet que, tant que Correa bénéficiera de la manne pétrolière (70% des ressources) il sera soutenu.

M. Correa devrait, selon les sondages, obtenir gain de cause. Il n'est pas encore usé par le pouvoir, selon Michael Shifter, mais il devra se garder d'un processus à la bolivienne, alors que les entrepreneurs du sud équatorien, avec pour capitale Guayaquil, s'opposent à son centralisme, comme Santa Cruz à La Paz en Bolivie.

Il pourrait aussi décevoir comme M. Chavez au Venezuela, si les investisseurs lui tournent le dos ou si le pétrole chute et qu'il peine à financer ses programmes sociaux.