L'opposition zimbabwéenne a officialisé mercredi sa volonté de contester devant la justice les résultats de l'élection présidentielle du 30 juillet remportée par le sortant Emmerson Mnangagwa, alors qu'un de ses principaux leaders a été arrêté à la frontière zambienne.

«Les résultats annoncés par la commission électorale vont être contestés» devant la justice, a déclaré lors d'une conférence de presse à Harare Thabani Mpofu, avocat du Mouvement pour le changement démocratique (MDC).

L'avocat n'a pas voulu préciser quand il déposerait le dossier devant la Cour constitutionnelle.

L'opposition a jusqu'à vendredi pour déposer son recours. La Cour aura ensuite 14 jours pour décider de la validité du scrutin, le premier depuis la chute de Robert Mugabe, l'autoritaire président resté près de quatre décennies au pouvoir.

«Toutes les preuves dont nous avons besoin sont disponibles. Il n'y aura aucun doute pour tous les citoyens. Il y a eu une triche et une fraude de 'mammouth'», a-t-il promis brandissant à de multiples reprises des documents.

Le recours permettra de «montrer au monde ce qui s'est réellement passé», a-t-il ajouté. Restant énigmatique, il a évoqué une «arme secrète» qui serait utilisée devant la Cour, mais qu'il n'a pas voulu détailler.

«Nous n'avons pas peur [...] Si cela veut dire plaider devant la Cour constitutionnelle depuis nos lits de mort nous le ferons avec plaisir», a-t-il conclu, assurant ne pas être «intimidé» par la répression.

Membre de la Zanu-PF comme jadis Robert Mugabe, le président Emmerson Mnangagwa, déclaré vainqueur dès le premier tour avec 50,8% des voix contre 44,3% pour le candidat du MDC Nelson Chamisa, a souligné à plusieurs reprises que «l'élection a été libre, juste, et transparente».

Oublier la politique

Ancien bras droit de Mugabe, poussé vers la sortie par l'armée en novembre, M. Mnangagwa a exhorté les Zimbabwéens à oublier la politique au profit de l'économie, dans un pays où près de trois quarts des habitants vivent sous le seuil de pauvreté et où le chômage atteint 90% de la population active.

Alexander Noyes, spécialiste Afrique, du Center for Strategic and International Studies (CSIS) «doute» que le recours de l'opposition prospère : «Les cours de justice du Zimbabwe ont un long passé de partialité favorable à la Zanu-PF et il est peu probable que les juges, dont beaucoup doivent leur postes au parti au pouvoir, prennent des décisions favorables à l'opposition».

Dans la matinée, Tendai Biti, figure de l'opposition et ancien ministre des Finances du gouvernement d'union nationale (2009-2013), a été arrêté à la frontière zambienne alors qu'il cherchait «l'asile» politique chez le voisin, a affirmé à l'AFP son avocat Me Nqobizitha Mlilo.

Les autorités zimbabwéennes n'ont pas confirmé l'arrestation, mais, selon le journal progouvernemental The Chronicle, M. Biti est recherché par la justice, accusé d'incitation à la violence. Son entourage avait dénoncé la présence de forces policières autour du domicile de sa mère à Harare.

M. Biti avait annoncé avant la proclamation officielle des résultats par la commission électorale que Nelson Chamisa avait remporté l'élection «au-delà de tout doute raisonnable», tout en défiant la commission électorale d'annoncer un résultat différent.

La répression le 1er août des manifestations contestant le résultat officiel s'est soldée par la mort d'au moins six personnes.

L'opposition, mais aussi observateurs et diplomates occidentaux, se sont inquiétés de la répression. Les chefs de mission au Zimbabwe de l'Union européenne et des États-Unis notamment ont dans une déclaration commune parlé de «sérieuses violations des droits de l'Homme».

Le président Mnangagwa, qui a dirigé sous Robert Mugabe la brutale répression (20 000 morts) dans les provinces dissidentes du Matabeleland et des Midlands en 1983, avait promis vendredi une enquête indépendante sur les violences.

«Il estime probablement que la réprobation occidentale va disparaître avec le temps et que son élection sera finalement acceptée par la plupart des décideurs africains et internationaux», souligne Alexander Noyes, qui émet toutefois la possibilité que M. Mnangagwa ne contrôle pas l'appareil sécuritaire aux mains du vice-président et ancien général Constantino Chiwenga, principal acteur du coup qui a renversé Mugabe en novembre.