La Cour pénale internationale (CPI) a acquitté en appel vendredi, à la surprise générale, l'ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, condamné à 18 ans de prison en première instance pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité commis en Centrafrique.

La décision historique de la chambre d'appel de renverser la peine d'emprisonnement la plus lourde jamais imposée par la CPI, juridiction fondée en 2002 pour juger les pires crimes commis à travers le monde, a suscité de vives émotions dans la tribune publique de la salle d'audience.

La chambre d'appel «annule la déclaration de culpabilité de Jean-Pierre Bemba» et «prononce l'acquittement de l'accusé car les sérieuses erreurs commises par la chambre de première instance font entièrement disparaître sa responsabilité pénale», a déclaré d'une voix ferme la juge Christine van den Wyngaert.

Les applaudissements des soutiens de M. Bemba et les cris de désarroi de ses opposants ont contraint la juge à faire un rappel à l'ordre avant de pouvoir poursuivre.

«La chambre d'appel a conclu, à la majorité, que M. Bemba ne saurait être tenu pénalement responsable des crimes commis par les troupes du MLC pendant l'opération menée en RCA et qu'il doit en être acquitté», a-t-elle ajouté.

L'ancien riche homme d'affaires devenu chef de guerre puis vice-président avait été condamné en première instance en 2016 à 18 ans de prison pour les crimes de guerre commis en Centrafrique par sa milice, le Mouvement de libération du Congo (MLC), entre octobre 2002 et mars 2003.

Cris de joie à Kinshasa

M. Bemba, vêtu vendredi d'un costume bleu marine et impassible lors du prononcé de son acquittement, avait été reconnu responsable en 2006 d'une vague de meurtres et de viols commis par ses troupes en Centrafrique.

En cinq mois, les hommes du MLC ont tué, pillé et violé dans la République centrafricaine voisine, où ils s'étaient rendus pour soutenir le président Ange-Félix Patassé face à une tentative de coup d'État menée par le général François Bozizé - qui finira par s'emparer du pouvoir en 2003.

Jean-Pierre Bemba, 55 ans, demeure toutefois en détention eu égard a une autre affaire dans laquelle il a été déclaré coupable de subornation de témoins. La CPI doit désormais se pencher «d'urgence» sur cette affaire, ont souligné les juges de la chambre d'appel.

Lors du procès en 2016, les juges ont «condamné à tort M. Bemba pour des actes criminels spécifiques qui étaient en dehors des charges telles que confirmées», a poursuivi Mme van den Wyngaert.

«Ce verdict, qui repose sur le fait que Jean-Pierre Bemba n'était pas présent à Bangui au moment des faits, est une insulte aux milliers de victimes de l'armée qu'il équipée, dirigée, et envoyée semer la désolation en Centrafrique», a déclaré à l'AFP Karine Bonneau, responsable du bureau Justice internationale de la Fédération internationale des ligues des Droits de l'Homme (FIDH).

«Par ce jugement, la CPI semble dire aux chefs de guerre: tant que vous n'êtes pas sur les lieux, laissez donc vos troupes commettre les pires crimes et les pires abominations, dites que vous n'y êtes pour rien et nous ne vous condamnerons pas!», s'est-elle exclamée. «Vingt ans après sa création, la CPI vient-elle de s'auto-saborder?»

À Kinshasa, l'acquittement de Jean-Pierre Bemba a été accueilli par des cris de joie chez ses partisans.

«Je pleure de joie. Jean-Pierre Bemba était un homme mort. Il vient d'être ressuscité», a déclaré l'un de ses partisans réunis avec des centaines d'autres au siège du Mouvement pour la Libération du Congo (MLC), la milice devenu un parti politique de M. Bemba.

«La libération de Jean-Pierre Bemba est un soulagement pour le peuple congolais qui a soif de voir son leader», a commenté un vendeur de crédit téléphonique, José Mazambi.

Des acclamations ont aussi parcouru l'Assemblée nationale congolaise. Jean-Pierre Bemba a longtemps été l'enfant chéri de Kinshasa, où il avait obtenu 70% des suffrages contre Joseph Kabila à la présidentielle de 2006.