Les récits des atrocités glacent le sang. Une jeune fille étranglée et victime d'un viol collectif. Des enfants enfermés dans une hutte et brûlés vifs par des soldats du gouvernement.

Ces atrocités et d'autres sont dévoilées dans 14 rapports vus par l'Associated Press, mais qui n'ont pas encore été publiés par l'organisme indépendant chargé de surveiller le cessez-le-feu inutile imposé en décembre au Soudan du Sud, un pays déchiré par la guerre civile depuis maintenant cinq ans.

Les rapports auraient dû être publiés le mois dernier lors d'une réunion dirigée par la Commission paritaire de contrôle et d'évaluation, mais le gouvernement du Soudan du Sud n'y a pas participé, privant la réunion du quorum nécessaire pour que les récits d'abus soient rendus publics.

Une représentante de Human Rights Watch en Afrique, Jehanne Henry, a indiqué que ces rapports «contiennent des preuves que les soldats continuent à tuer, violer et détruire la propriété». La décision de garder secrets ces crimes atroces qui se poursuivent envoie le mauvais message, a-t-elle ajouté.

Seulement cinq de ces rapports ont été publiés cette année.

L'Union africaine et le bloc régional de l'Afrique de l'Est qui assure la médiation des pourparlers de paix au Soudan du Sud devraient agir, a déclaré Edmund Yakani, le directeur général du groupe local Community Empowerment for Progress Organization.

«Le silence sur les violations ne fait qu'encourager de nouvelles violations», a-t-il déclaré.

Les participants à la réunion ont dit que des copies des rapports sur les atrocités ont été distribuées aux diplomates des États-Unis, des Nations Unies, du Royaume-Uni et d'ailleurs, mais aucun ne les a dévoilés publiquement ou n'a rendu publics les rapports d'exactions.

Le gouvernement du Soudan du Sud n'a pas répondu aux multiples demandes pour expliquer pourquoi il n'a pas participé à la réunion du mois dernier.

Les rapports non publiés décrivent les violations commises autant par le gouvernement que par les forces de l'opposition, mais la plupart des récits reprochent aux troupes gouvernementales d'avoir lancé des attaques et de cibler délibérément des civils.

Lors d'une attaque en février contre une école de la ville de Modit, les enfants ont fui vers une hutte pour se cacher. Les soldats du gouvernement ont bloqué la porte et y ont mis le feu, brûlant vives les petites victimes, accuse un rapport.

Une jeune fille qui allait chercher de l'eau dans une rivière de la ville de Yei a été étranglée avant que sa mère et elle ne soient violées par des soldats gouvernementaux, selon un autre rapport. Plus de 30 cas d'agression sexuelle ont été enregistrés à Yei et dans les environs dans les trois mois suivant l'accord de cessez-le-feu de décembre.

Et dans la ville voisine de Morobo, une femme a été violée et battue si brutalement qu'elle a perdu la vue d'un oeil. Une femme handicapée, incapable de fuir les combats, a été lancée dans une maison en flammes par des soldats gouvernementaux, selon le rapport.

Le groupe qui a compilé les rapports - le Ceasefire and Transitional Security Arrangements Monitoring Mechanism - a déclaré à l'AP que son mandat ne l'obligeait pas à publier les rapports et que cette tâche avait été confiée à son organe directeur. La commission rend compte au bloc régional de l'Afrique de l'Est, l'Autorité intergouvernementale pour le développement. Ni l'un ni l'autre n'ont répondu à plusieurs demandes de commentaires de l'AP.

La dissimulation des atrocités survient alors que la communauté internationale perd patience face à la guerre civile au Soudan du Sud, qui a fait des dizaines de milliers de morts et créé la plus grande crise de réfugiés en Afrique depuis le génocide rwandais de 1994.

La semaine dernière, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution parrainée par les États-Unis qui fait planer l'éventualité d'un embargo sur les armes et de sanctions contre six hauts dirigeants si les combats ne cessent pas.