Le président nigérian Muhammadu Buhari est sous le feu des critiques pour avoir reproché dans un discours aux jeunes de son pays de ne vouloir «rien faire» et de profiter de l'argent du pétrole.

Le chef de l'État, qui a annoncé récemment son intention de briguer un second mandat en 2019, s'est exprimé mercredi lors d'un forum d'affaires du Commonwealth à Londres.

«Beaucoup d'entre eux ne sont pas allés à l'école et prétendent (...) que le Nigeria étant un pays producteur de pétrole, ils peuvent s'asseoir et ne rien faire et avoir droit à un logement, des soins de santé et une éducation gratuits», a-t-il déclaré.

Ses propos ont déclenché la colère des Nigérians sur les réseaux sociaux, dans un pays frappé par la pauvreté et l'absence de services publics de base, comme la fourniture d'eau courante et d'électricité, bien qu'il soit la première économie d'Afrique de l'Ouest.

Jeudi matin, le mot-clic LazyNigerianYouths («jeunes Nigérians paresseux») était repris en boucle sur Twitter, les internautes énumérant les efforts et sacrifices consentis par la jeunesse au moment où le Nigeria traverse une période difficile sur le plan économique.

«Le gouvernement n'a jamais rien créé pour moi, je me nourris de ma débrouille et pourtant ils disent que nous sommes paresseux», a écrit l'un d'eux.

L'ancien vice-président nigérian Atiku Abubakar, 71 ans, candidat à la présidentielle du principal parti d'opposition, le PDP (Peoples Democratic Party), a lui aussi critiqué le chef de l'État.

«Je ne parlerai jamais de la jeunesse du Nigeria comme de gens qui s'assoient et ne font rien», a-t-il déclaré sur Facebook, soulignant que la jeunesse est «l'épine dorsale» du pays.

Le président Buhari a fait «de l'humour avec notre fierté nationale», a estimé un autre prétendant à la présidence, Adamu Garba.

Pour le quotidien The Daily Post, l'ancien général de 75 ans «attaque» la jeunesse.

En dépit du tollé qu'elles ont provoqué, les déclarations du président Buhari ne risquent guère cependant de jouer un rôle important dans l'élection présidentielle prévue l'année prochaine, estime l'analyste politique Saheed Animashaun.

«Premièrement, une énorme partie des jeunes qui vont voter ne seront pas au courant de ce commentaire», relève-t-il. «Deuxièmement, quand viendra le moment de l'élection l'année prochaine, ils auront oublié» cette affaire.

Des tollés

Le président Buhari a déjà suscité à plusieurs reprises des tollés dans le passé, avec des déclarations impromptues lors de voyages à l'étranger.

Ainsi, en 2016, il avait déclaré au journal britannique Daily Telegraph qu'il était difficile d'«accepter» les Nigérians à l'étranger à cause de leur réputation en matière de criminalité, en particulier de trafic de drogue et de traite d'êtres humains.

Plus tard la même année, au cours d'un déplacement en Allemagne, après que sa femme Aisha eut laissé entendre qu'elle ne le soutiendrait pas pour briguer un deuxième mandat, M. Buhari avait déclaré : «Sa place est dans ma cuisine». La chancelière Angela Merkel l'avait foudroyé du regard.

Le taux combiné de chômage et de sous-emploi des jeunes au Nigeria a oscillé autour de 50 % fin 2017, après que le pays eut traversé la pire récession économique depuis 25 ans.

La croissance a connu une légère reprise l'an dernier, mais le PIB hors pétrole reste marginal, notamment en raison du manque criant d'infrastructures dans le pays.

Le Nigeria, qui compte déjà plus de 180 millions d'habitants, devrait dépasser les États-Unis pour devenir le troisième pays le plus peuplé du monde avec plus de 300 millions d'habitants d'ici à 2050, selon l'ONU.