Une centaine d'écolières enlevées le 19 février par le groupe islamiste Boko Haram à Dapchi, dans le nord-est du Nigeria, et libérées cette semaine, ont été ramenées dimanche à leurs familles.

Vêtues de longs hijabs traditionnels, les 105 jeunes filles sont arrivées vers 14h30 locales à bord de cinq bus escortés par l'armée à Dapchi, dans l'État de Yobe, où elles ont pu serrer leurs parents dans leurs bras, après avoir passé trois jours auprès des autorités à Abuja, la capitale fédérale.

«J'ai récupéré ma fille et ma petite-fille, ma joie est immense», a déclaré Mai Saleh Gaji, un père de famille, après de chaleureuses retrouvailles.

Le groupe était arrivé en avion dans la matinée à Maiduguri, capitale de l'État voisin du Borno, avant de prendre la route en direction de leur ville natale.

Elles ont été aussitôt conduites à l'internat pour jeunes filles - le lieu de leur enlèvement - pour une cérémonie officielle en présence de plusieurs hauts responsables politiques nigérians, dont des sénateurs.

«Nous sommes maintenant avec elles dans le hall de l'école», a déclaré Kachalla Bukar, père de l'une d'elles et porte-parole de l'association des parents des filles enlevées.

Chacune des jeunes filles a été appelée puis formellement remise à ses parents, qui ont pu la récupérer après avoir signé un registre auprès des autorités, a-t-il précisé.

Au total, 105 des 111 étudiantes enlevées le 19 février dernier dans leur pensionnat à Dapchi, avaient été libérées mercredi par leurs ravisseurs dans des conditions rocambolesques.

Elles ont été «déposées sur la route» à l'entrée de Dapchi, selon le gouvernement, soulevant de nombreuses interrogations sur les dessous des négociations menées avec le groupe djihadiste.

Une chrétienne, Leah Sharibu, est toujours entre les mains des insurgés, ayant refusé de se convertir à l'islam, selon les témoignages de ses camarades. La police fédérale a indiqué dans la matinée n'avoir «aucune information à ce stade» malgré de nombreuses rumeurs sur sa supposée libération imminente durant le week-end.

Cinq autres jeunes filles seraient mortes au moment de la prise d'otages dans les camions qui les transportaient vers leur lieu de détention, ont raconté les ex-captives. Elles sont toujours officiellement «portées disparues». 

«Elle retournera à l'école»

Le ministre de l'Information Lai Mohamed, a répété dimanche qu'aucun paiement de rançon ni échange de prisonniers n'a eu lieu en amont de leur libération, rendue possible grâce à des «négociations» menées avec les insurgés.

«Tout ce qu'ils exigeaient était un cessez-le-feu qui leur ouvrirait un couloir sécuritaire pour déposer les filles», cessez-le-feu qui a été décrété le 19 mars pour une durée d'une semaine, a affirmé M. Mohamed.

À Dapchi, Musa Bukar a décrit l'enlèvement de sa fille Aisha comme la «pire expérience de (sa) vie. «Mais cela ne me découragera jamais de tout faire pour que mon enfant réalise son rêve de devenir médecin, elle retournera à l'école», a-t-il dit.

En revanche, un autre père de famille, Ali Gashomu, se dit encore «traumatisé et terrifié», ne sachant s'il laissera sa fille retourner à l'école. «Je vais la ramener à la maison pour l'instant, et j'en parlerai avec ma femme (...) nous déciderons ensemble si elle doit y retourner ou non.»

Selon des témoins, les captives étaient gardées sur des îles du lac Tchad, zone contrôlée par la faction reconnue par le groupe État islamique à qui Boko Haram a prêté allégeance en 2015.

Le groupe djihadiste mène depuis 2009 une insurrection sanglante dans le nord-est du Nigeria qui a fait plus de 20 000 morts et 2,6 millions de déplacés.

Cet enlèvement de masse a ravivé le douloureux souvenir du kidnapping de Chibok, en avril 2014, où plus de 200 élèves avaient été enlevées, déclenchant une vague d'émotion mondiale.

Depuis, une centaine d'entre elles se sont échappées ou ont été libérées aux termes de négociations avec le gouvernement et d'échange avec des prisonniers. Mais une centaine d'entre elles restent introuvables.

À l'époque, Muhammadu Buhari, dans l'opposition, avait vivement critiqué l'inaction du président Goodluck Jonathan. L'ancien général avait alors promis de mettre fin au conflit, il a été élu un an plus tard, en 2015.

L'armée ne cesse de répéter que le groupe djihadiste est «techniquement vaincu», mais l'évènement tragique de Dapchi a mis en lumière les graves failles sécuritaires qui continuent à mettre le nord-est du pays à genoux.

Il fallait donc agir rapidement pour le président Buhari pour ramener les jeunes filles de Dapchi à leurs familles, et se démarquer de son prédécesseur.

Boko Haram, dont le nom signifie en langue haoussa «l'éducation occidentale est péché», a régulièrement ciblé les écoles laïques. Selon l'agence des Nations unies pour l'enfance, l'UNICEF, plus de 2296 enseignants ont été tués et environ 1400 écoles ont été détruites dans le nord-est du pays.