Dans une nouvelle vidéo diffusée lundi par le groupe djihadiste nigérian Boko Haram, 14 présumées écolières de Chibok, dont l'enlèvement de masse il y a presque quatre ans avait déclenché l'indignation du monde entier, déclarent refuser de rentrer chez elles.

« Nous sommes les filles de Chibok [...] Par la grâce de Dieu, nous ne vous reviendrons pas », affirme une des jeunes filles s'exprimant au nom du groupe apparaissant dans cette vidéo de 21 minutes, dont trois tiennent des nourrissons dans leurs bras.

C'est la première vidéo de ce genre depuis le mois de mai, lorsqu'une jeune femme affirmant être une des 219 écolières enlevées en avril 2014 dans l'État du Borno, était apparue brandissant une arme et refusant elle aussi de rentrer chez elle.

Aucun élément n'indique quand et où ce message a été enregistré, ni si les personnes présentes sont sous la contrainte. Mais la plupart d'entre elles, vêtues de longs hijabs bleus ou noirs, affichent des visages fermés, les yeux baissés vers le sol, évitant de regarder la caméra.

« Nous plaignons les autres filles de Chibok qui ont choisi de retourner au Nigeria. Dieu vous a bénies et vous a amenées au "Califat" [...], mais à la place, vous avez choisi de retourner dans la mécréance », poursuit-elle à propos de ses camarades ayant réussi à s'échapper au moment de l'enlèvement.

La jeune fille, qui alterne entre le haoussa et le langage local chibok, s'adresse aussi à leurs parents: « Vous devez vous repentir [...] les flammes de l'enfer sont votre destin si vous ne vous repentez pas, car Allah nous a créés pour que nous l'adorions ».

Elle remercie également le chef du groupe djihadiste, « notre père Abubakar Shekau, qui nous a mariées. Nous vivons dans le confort [...] Abubakar Shekau est notre chef ».

Discours décousu

Donné plusieurs fois pour mort par les autorités nigérianes, Shekau apparaît lui aussi sur la vidéo, tirant avec une mitrailleuse lourde avant de délivrer un sermon décousu d'environ 13 minutes, affirmant que les filles ont « compris la folie » de l'éducation laïque.

« Allah nous ordonne soit de retenir prisonnier, de libérer sans condition ou d'échanger les otages que nous capturons [...] celles qui préfèrent rester des infidèles et retourner chez leurs parents, nous leur permettons de partir, selon ce qu'Allah nous commande », ajoute le chef djihadiste avant de s'en prendre au président Muhammadu Buhari et aux autres chefs d'État de la région.

Au total, 276 filles avaient été enlevées en avril 2014 dans leur école secondaire à Chibok, suscitant une vague d'indignation internationale relayée jusqu'à la Maison-Blanche par l'ex-première dame Michelle Obama, avec le slogan Bringbackourgirls.

Cinquante-neuf d'entre elles s'étaient échappées au moment de leur enlèvement et 107 ont été retrouvées, secourues ou libérées aux termes de négociations entre le gouvernement et les insurgés islamistes.

Malgré leur libération, très peu d'informations ont filtré sur les conditions de détention des jeunes filles, dont plusieurs ont donné naissance durant leur captivité selon le gouvernement, qui les a confinées plusieurs mois dans un lieu tenu secret, les empêchant de parler à la presse.

Le 4 janvier, l'armée nigériane a annoncé avoir secouru l'une des écolières dans la région reculée de Pulka, dans l'État du Borno, près de la frontière avec le Cameroun.

Le groupe, dont le nom signifie « l'éducation occidentale est un pêché », a mené des campagnes sanglantes contre les professeurs et les étudiants dans le nord-est du Nigeria, où ils veulent installer leur califat.

Boko Haram, qui utilise les enlèvements de masse pour recruter, a enlevé des dizaines de milliers de personnes, que l'armée nigériane libère au fur et à mesure de la reprise de territoires auparavant occupés par les islamistes.

Depuis 2009, le conflit a fait au moins 20 000 morts et 2,6 millions de déplacés au Nigeria.