La Mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca) a vécu sa journée la plus sombre depuis la fin de l'opération militaire française Sangaris en octobre 2016, avec quatre casques bleus tués dans une attaque attribuée à un groupe armé anti-Balaka.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a «fermement» condamné cette attaque, qui «a causé la mort de quatre casques bleus tandis que 10 autres ont été blessés et évacués sur Bangui». Un casque bleu est toujours porté disparu.

Soulignant que «les attaques contre les casques bleus des Nations unies peuvent constituer un crime de guerre», M. Guterres a lancé «un appel aux autorités de la République centrafricaine pour qu'une enquête soit lancée afin que les responsables répondent rapidement de leurs actes devant la justice».

«C'est malheureusement l'attaque la plus meurtrière contre des soldats de la paix de la Minusca», a indiqué pour sa part le porte-parole de la mission, Hervé Verhoosel.

La Minusca sous sa forme actuelle a été créée en avril 2014 par le Conseil de sécurité de l'ONU, au plus fort des massacres entre groupes armés Séléka promusulmans et anti-Balaka majoritairement chrétiens.

Après la mort de deux casques bleus marocains en début d'année, et des combats contre des éléments armés autour de Bambari (centre) en février, la force de l'ONU a enregistré ses plus lourdes pertes de l'année lundi soir à 470 km à l'est de Bangui, près de la frontière avec la République démocratique du Congo.

Un casque bleu cambodgien a d'abord été tué dans l'échange de tirs provoqué par l'attaque d'un convoi mixte armée-police par un groupe armé entre les localités de Rafai et Bangassou, a indiqué la Minusca dans un premier communiqué mardi matin. Quatre autres soldats de la paix - trois Cambodgiens et un Marocain - étaient portés disparus, capturés par les assaillants.

«La Minusca a le profond regret de confirmer que trois des quatre soldats de la paix portés disparus depuis l'attaque d'hier (lundi) ont été retrouvés morts. Le quatrième est toujours porté disparu», selon un communiqué de la Minusca.

Durant l'échange de tirs, «huit éléments anti-Balaka ont été tués», selon la Minusca.

Impossible désarmement

La Centrafrique avait basculé dans le chaos en 2013 après le renversement de l'ex-président François Bozizé par les rebelles Séléka, entraînant la contre-offensive de groupes anti-Balaka.

L'intervention militaire de la France (décembre 2013-octobre 2016) et des Nations unies a permis l'élection du président Faustin-Archange Touadéra et un retour au calme à Bangui, mais pas à l'intérieur du pays où les groupes armés se battent pour le contrôle des ressources (or, diamant, bétail...).

Ex-puissance coloniale, la France a condamné l'attaque de lundi soir, souhaitant «identifier les responsables afin de les traduire en justice». «La France réitère son plein soutien à l'action menée par la Minusca et ses contingents pour la stabilisation de la République centrafricaine et la protection des populations civiles», selon un communiqué.

En l'absence d'une armée centrafricaine, qu'une mission de l'Union européenne tente de restructurer, les quelque 12 500 hommes de la Minusca sont seuls en première ligne face aux groupes armés ex-Séléka ou anti-Balaka depuis la fin de l'opération française Sangaris, dont les Centrafricains ont regretté le départ.

Malgré les appels au désarmement du président Touadéra, l'activité des groupes armés menace aussi l'aide humanitaire indispensable dans ce pays parmi les plus pauvres du monde, qui compte 900 000 déplacés ou réfugiés pour 4,5 millions d'habitants.

«La flambée de violence qui a caractérisé le premier trimestre 2017 affecte désormais directement les acteurs humanitaires», avait déploré le 4 mai le bureau de coordination humanitaire des Nations unies (Ocha).

«Quatre organisations humanitaires majeures ont pris la décision de suspendre temporairement leurs activités dans les régions où les menaces à leur égard ont atteint leur paroxysme», avait ajouté l'Ocha.

La Minusca a rappelé dans ses communiqués que l'attaque contre ses casques bleus représentait un «crime de guerre».

Une Cour pénale spéciale (CPS), avec des magistrats centrafricains et étrangers, doit prochainement commencer ses travaux. Cinq magistrats centrafricains ont récemment été nommés par le président Touadéra, après la nomination d'un procureur originaire de République démocratique du Congo et de deux magistrats français et burkinabè, selon la radio Ndeke Luka.