Un attentat suicide visant des combattants de groupes armés signataires de l'accord de paix au Mali a fait près de 50 morts mercredi à Gao, principale ville du nord du pays, toujours en proie aux attaques djihadistes.

Les combattants, appartenant à la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, ex-rébellion à dominante touareg), ou à des groupes armés progouvernementaux, se préparaient pour des patrouilles mixtes prévues par l'accord de paix signé en mai-juin 2015 entre Bamako et ces différents groupes armés.

Ces patrouilles, auxquelles doivent également se joindre des militaires maliens, sont censées préfigurer la refonte d'une armée malienne unitaire.

Le président Ibrahim Boubacar Keïta a annoncé un deuil national de trois jours à la suite de cet attentat, le plus meurtrier de l'histoire récente du Mali, et son ministre de la Défense, Abdoulaye Idrissa Maïga, était attendu sur place.

«Le bilan provisoire est de 47 morts, dont 5 kamikazes, et plusieurs dizaines de blessés», a annoncé le gouvernement dans un communiqué.

Une source militaire malienne a de son côté fait état à l'AFP d'un bilan de 53 tués et 110 blessés, sans indication sur le nombre d'assaillants parmi les morts.

La Mission de l'ONU au Mali (Minusma) a évoqué «des dizaines de morts», ainsi que «des dizaines de blessés», précisant que le camp abritait 600 combattants.

Selon une source militaire au sein de la Minusma, «le kamikaze est venu dans un véhicule et s'est fait exploser» vers 8h40 GMT. Les combattants des différents groupes «devaient commencer bientôt une patrouille mixte», a souligné cette source.

Des corps ont été déchiquetés et des membres projetés par l'explosion, très puissante, qui s'est produite pendant une séance d'entraînement des combattants, selon un témoin.

Le véhicule qui a servi à l'attaque était «aux couleurs du MOC» (Mécanisme opérationnel de coordination), chargé d'organiser ces patrouilles, a déclaré à l'AFP le colonel Diarran Koné, un porte-parole de l'armée malienne.

«Piège» mortel

Un combattant rescapé a dénoncé les défaillances des mesures de sécurité.

«Pour faire les patrouilles mixtes, il faut faire le cantonnement (des groupes armés, NDLR) et désarmer les gens, à ce moment (là), il y aura la paix», a-t-il déclaré à l'AFP. «Sans le désarmement et le cantonnement, la patrouille mixte, c'est un piège pour nous tuer», a-t-il ajouté.

L'attentat n'a pas été revendiqué dans l'immédiat, mais les soupçons se tournaient vers les groupes djihadistes, qui avaient déjà perpétré un attentat suicide à la voiture piégée contre l'aéroport de Gao, à quelques centaines de mètres de là, le 29 novembre 2016.

La médiation internationale et les parties signataires de l'accord ont condamné dans un communiqué «un attentat lâche et meurtrier commis par les ennemis de la paix», assurant que cet «acte barbare» ne les détournerait pas de l'application de l'accord.

En route le 13 janvier pour un sommet Afrique-France à Bamako, qui a marqué ses adieux au continent, le président français François Hollande avait effectué une visite symbolique à Gao aux troupes de la force française Barkhane et aux militaires maliens.

Il a condamné l'attentat qui a frappé «les forces regroupées pour participer au processus de patrouilles mixtes dans le nord du pays», réaffirmant «le plein soutien de la France à la mise en oeuvre des accords de paix» au Mali.

«Il y a un sens politique: empêcher que le processus de paix et de réconciliation se poursuive», a souligné le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault.

Le Conseil de sécurité de l'ONU était réuni mercredi pour discuter de la situation au Mali.

Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda à la faveur de la déroute de l'armée face à la rébellion, d'abord alliée à ces groupes qui l'ont ensuite évincée.

Ces groupes en ont été en grande partie chassés à la suite du lancement en 2013, à l'initiative de la France, d'une intervention militaire internationale, qui se poursuit actuellement.

Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères, régulièrement visées par des attaques meurtrières, malgré la signature de l'accord de paix, censé isoler définitivement les djihadistes, et dont l'application tarde à venir.