Les troubles postélectoraux au Gabon ont fait au moins deux nouveaux morts, un policier et un civil, tandis qu'aucune solution ne se dessinait pour sortir du bras de fer entre Ali Bongo, proclamé vainqueur de la présidentielle, et Jean Ping, qui affirme avoir gagné.

« Je voudrais déplorer le décès du policier sur lequel on avait tiré à Oyem (nord) », a indiqué samedi matin à l'AFP le ministre de l'Intérieur, Pacôme Moubelet-Boubeya.

Il s'agit du premier décès dont les autorités font état parmi les forces de sécurité - police, gendarmerie, armée et garde républicaine - massivement déployées depuis les troubles déclenchés mercredi après-midi par l'annonce de la réélection du président sortant Ali Bongo.

Le policier avait été blessé par des tirs à la tête dont les auteurs « ont été arrêtés », alors qu'ils « essayaient de quitter le Gabon », a précisé le ministre. Oyem se trouve près de la frontière avec le Cameroun et la Guinée-Equatoriale.

« Nous constatons une reprise de vie sur Libreville où certaines grandes surfaces rouvrent. Les gens reprennent confiance », s'est félicité le ministre alors que de nombreux commerces étaient fermés depuis mardi.

D'après des habitants, la nuit a été calme à Nzeng Ayong, où il y a eu deux morts jeudi, et au « PK 12 », quartier périphérique à 12 kilomètres du centre de la capitale, où les pénuries de pain se font toujours sentir.

Libreville est privée de connexion internet depuis mercredi soir.

La tension est également forte à Port-Gentil, la capitale économique où un jeune homme a été tué par les forces de sécurité dans la nuit de vendredi à samedi, selon plusieurs témoignages d'habitants sur place.

La victime, qui s'appellerait Judicaël Madzou Otété d'après un opposant consulté par l'AFP, a été tuée par balle devant chez lui vers 22 h (17 h, HAE) par des membres des patrouilles nocturnes.

« Les parents ont voulu marcher avec le corps jusqu'au gouvernorat avec plusieurs personnes. Ils ont été dispersés par les forces de sécurité et de défense, qui ont récupéré le corps en présence du procureur », selon ce même témoin.

Plusieurs habitants affirment que les opérations de maintien de l'ordre ont fait plusieurs victimes à Port-Gentil depuis le début des troubles. « Ils tirent, ils ramassent les corps. Nous sommes traumatisés », témoigne sous couvert de l'anonymat une mère de famille.

Sept morts

Ces affirmations n'ont pas été confirmées de source indépendante. Selon un décompte réalisé par l'AFP, sept morts ont été recensés dans le pays depuis le début des émeutes.

Frappée par la crise pétrolière, Port-Gentil avait déjà été le théâtre de violences en 2009 à l'annonce de la première élection d'Ali Bongo : plusieurs personnes étaient mortes, des bâtiments avaient été pillés et le consulat de France incendié.

L'archevêque de Libreville a appelé samedi la majorité et l'opposition « se ressaisir pour une sortie imminente de crise », qui tarde à se dessiner.

Le président Ali Bongo, proclamé élu mercredi par la commission électorale (CÉNAP), ne s'est pas exprimé depuis jeudi après-midi.

« En tant que président élu, je suis naturellement très préoccupé par la situation de notre pays qui évolue vers un chaos généralisé », a déclaré pour sa part vendredi soir Jean Ping en recevant les 26 opposants qui venaient de retrouver leur liberté de mouvement après avoir été retenus pendant 36 heures à son siège de campagne complètement dévasté par l'assaut des forces de sécurité.

« Je sais que l'apaisement ne peut survenir que si la vérité des urnes [...] est rétablie et respectée sur la base du comptage des voix, tel que nous le souhaitons », a-t-il poursuivi.

Le gouvernement refuse ce recomptage des voix bureau par bureau que demandent aussi l'Union européenne et la France, arguant qu'il n'est pas prévu par le code électoral gabonais en cas d'élection présidentielle.

« C'est faux », rétorque le directeur de communication de la campagne de Jean Ping. « Il y a un silence juridique mais on peut faire du bureau par bureau sans violer la loi », assure Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi.

M. Ping demande la reprise des travaux de la CÉNAP pour examiner les procès-verbaux du Haut-Ogooué, fief de la famille Bongo qui a officiellement donné la victoire finale à M. Bongo avec plus de 90 % des voix pour une participation supérieure à 99 %.

En revanche, son équipe exclut catégoriquement tout recours devant la Cour constitutionnelle « qui a fait preuve de sa partialité. Nous n'allons pas nous jeter dans la gueule du loup comme des enfants », selon M. Ntoutoume.