Les forces de sécurité gabonaises quadrillaient jeudi Libreville après une nuit de pillages et d'émeutes meurtrières déclenchées la veille par l'annonce de la réélection du président gabonais sortant Ali Bongo Ondimba, contestée par son rival Jean Ping.

Des pillages étaient toujours en cours à la mi-journée dans des quartiers populaires de la capitale, selon la police. Mais les centres névralgiques du pouvoir étaient sécurisés par un imposant dispositif composé de la garde républicaine, l'armée, la gendarmerie et la police antiémeutes. Les communications internet ne fonctionnaient pas depuis mercredi soir.

Après les violences de la veille, le régime d'Ali Bongo se trouvait néanmoins sous la pression de la communauté internationale qui appelle à un arrêt des violences et à un nouveau comptage des votes du scrutin de samedi.

Plus de 200 pillards ont été arrêtés depuis mercredi à Libreville, a annoncé à l'AFP le commandant de la police nationale gabonaise Jean-Thierry Oye Zue, en soulignant que des pillages se poursuivaient «dans les quartiers populaires».

Si le chef de la police a indiqué que «six policiers» avaient été blessés, il a seulement admis qu'il devait y avoir «très vraisemblablement» des blessés parmi les civils, «vu la violence avec laquelle ils nous ont assaillis».

Il s'est par ailleurs refusé à dresser un bilan des morts: «Je ne peux pas vous le dire», a-t-il seulement indiqué.

La veille, l'opposant Jean Ping - qui n'a pas indiqué où il s'était réfugié - avait fait état d'au moins deux personnes tuées dans l'assaut contre son QG de campagne dans la nuit de mercredi à jeudi.

Jeudi matin, un volontaire de la Croix-Rouge gabonaise, qui s'est identifié sous le nom de Gildas, a indiqué à l'AFP qu'un des 15 blessés amenés dans la matinée par un camion militaire à la polyclinique Chambrier avait succombé à ses blessures.

Le centre de Libreville était quadrillé par les forces de l'ordre, notamment aux abords de l'Assemblée nationale, incendiée mercredi, et du QG de l'opposant Jean Ping, pris d'assaut dans la nuit, ont constaté les correspondants de l'AFP.

L'armée a fouillé le QG de campagne de Jean Ping «de fond en comble», a indiqué à l'AFP un des responsables de l'opposition, l'ancien vice-président Didjob Ding Duvungui, qui se trouvait lui-même dans un groupe d'une dizaine de personnes en attente de transfert au siège de la gendarmerie pour y être auditionnés.

Photo Gerauds Wilfried Obangome, archives Reuters

Le président sortant Ali Bongo vote dans un bureau de Libreville, le jour de l'élection, le 27 août. Quatre jours après la présidentielle, la commission électorale gabonaise a validé la victoire de   Bongo, reporté ainsi au pouvoir pour un deuxième septennat.

Écart marginal

De 500 à 600 militants ont ainsi été emmenés par les forces de l'ordre du QG de campagne de l'opposition, a-t-il assuré à l'AFP.

Aux abords de l'assemblée, la police s'est efforcée jeudi en fin de matinée d'empêcher tout attroupement en tirant des grenades de gaz lacrymogène.

Mercredi en fin d'après-midi, la commission électorale avait annoncé la réélection du président sortant pour un deuxième septennat avec 49,80% des suffrages devant son rival Jean Ping (48,23%), 73 ans, ex-cacique du régime du défunt Omar Bongo, le père d'Ali.

Cet écart marginal représente une différence de 5.594 voix, sur un total de 627.805 inscrits, dans ce petit pays pétrolier d'à peine 1,8 million d'habitants.

Ali Bongo, 57 ans, devrait sa réélection à son score écrasant dans son fief familial, le Haut-Ogooué, où il aurait obtenu 95,46% pour plus de 99% de participation.

Comme l'opposition, l'Union européenne, la France et les États-Unis ont demandé la publication des résultats de tous les bureaux de vote du Gabon (environ 2.500).

La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a qualifié jeudi la situation postélectorale au Gabon de «crise profonde» et a appelé les différentes parties «au calme».

«Il est important que tous les acteurs rejettent la violence et appellent au calme. Toute contestation doit se faire avec des moyens pacifiques afin d'éviter l'embrasement du pays», a déclaré la vice-présidente de l'UE dans un communiqué.

La France, ancienne puissance coloniale au Gabon, a exprimé sa «vive préoccupation» et réclamé une procédure transparente pour lever tout «doute» sur la sincérité du scrutin.

«Des résultats ont été publiés hier. Il y a un doute sur leur sincérité, il convient que les recours s'exercent dans le respect de la loi et dans le cadre d'une procédure transparente et impartiale», a déclaré le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault.

«Avec l'Union européenne, la France appelle à la publication des résultats, bureau par bureau. C'est de cette manière que les Gabonais pourront avoir confiance dans les résultats et qu'il n'y aura aucun doute sur le respect de leur choix», a-t-il ajouté.

photo MARCO LONGARI, AFP

Un partisan du leader de l'opposition Jean Ping prie à genoux devant des membres des forces de sécurité gabonaises qui s'opposent aux manifestants qui tentent de rejoindre la Commission électorale, alors qu'un autre activiste est étendu au sol, à Libreville, le 31 août.