Un convoi militaire ougandais lourdement armé a pénétré jeudi en territoire sud-soudanais pour évacuer les Ougandais bloqués à Juba, alors que l'ONU craint une possible reprise des combats dans la capitale et leur propagation au reste du pays.

Juba a été le théâtre, de vendredi à lundi, d'affrontements entre forces fidèles au président Salva Kiir et ex-rebelles aux ordres du vice-président Riek Machar, mettant gravement en péril un accord de paix signé en août 2015 et forçant au moins 36 000 habitants à se réfugier dans les installations de l'ONU, les églises et les écoles de la capitale.

Bien que le cessez-le-feu décrété lundi soir par MM. Kiir et Machar continuait jeudi d'être respecté à Juba, le patron des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Hervé Ladsous, a assuré mercredi que l'organisation était «très inquiète» d'une possible reprise des combats, redoutant «qu'elle ne s'étende à d'autres parties du pays».

M. Ladsous a signalé une «mobilisation» des forces gouvernementales et rebelles dans la région du Haut Nil autour de Malakal et Leer. «La situation actuelle est changeante et incertaine».

Selon le responsable onusien, les forces loyalistes semblent contrôler Juba, tandis que les ex-rebelles sont cantonnés à l'ouest de la ville. La mission de l'ONU dans le pays (Minuss) a quant à elle dit avoir été informée mercredi «qu'il y a eu des combats à Leer».

Le Soudan du Sud, indépendant depuis 2011, est déchiré depuis décembre 2013 par une guerre civile marquée par des massacres inter-ethniques et qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts et près de trois millions de déplacés.

«Groupes armés non identifiés»

À Nimule, à 200 kilomètres au sud de la capitale, le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés estime à environ 20 000 le nombre de déplacés souhaitant passer la frontière vers l'Ouganda à la suite des récents combats. Mais l'armée sud-soudanaise les force à rebrousser chemin, selon des témoignages recueillis par l'AFP auprès des rares personnes ayant réussi à passer.

C'est à Nimule, précisément, qu'une cinquantaine de camions ougandais, escortés par des centaines de soldats et des véhicules blindés équipés de mitrailleuses, ont franchi jeudi matin la frontière, pour sécuriser la route menant à Juba, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Nous prévoyons d'aller à Juba pour évacuer 3000 Ougandais bloqués par les combats, mais ce chiffre pourrait s'accroître car nous évacuerons quiconque veut partir, quelle que soit sa nationalité. Il pourrait même y avoir des Sud-soudanais», a déclaré à l'AFP le chef d'État-major de l'armée de terre ougandaise, Leopold Kyanda.

«Juba est totalement paisible et calme à présent et nous ne nous attendons à aucun problème. Les difficultés pourraient surgir sur la route, où il y a quelques bandits», a-t-il précisé.

La mission ougandaise est censée durer deux ou trois jours, mais du matériel de camping et de cuisine était aussi visible dans le convoi, laissant penser que l'armée est prête à rester plus longtemps, si nécessaire.

«Pourquoi pas?», a d'ailleurs répondu, sous couvert de l'anonymat, un officier des services de renseignement interrogé.

«Nous avons la capacité de soutenir le gouvernement du Soudan du Sud et nous étions là avant», a-t-il ajouté. L'Ouganda avait envoyé des troupes en 2013 au Soudan du Sud pour soutenir le gouvernement du président Kiir, avant de se retirer à la fin 2015.

Reprise des vols commerciaux

Aucun bilan des quatre jours de combats n'est disponible, mais la plupart des acteurs s'accordent à dire que «des centaines» de personnes, militaires et civils, dont deux Casques bleus chinois, ont été tuées à Juba.

Médecins sans frontières a indiqué y avoir installé des cliniques mobiles. Le directeur de la branche locale de l'ONG Save the Children avait décrit Juba, mercredi : «il y a des corps dans les rues, des magasins ont été pillés, des marchés ont fermé, les gens font la queue pour obtenir de la nourriture et des familles cherchent désespérément à quitter la ville».

Des vols commerciaux vers et depuis Juba ont par ailleurs repris jeudi, notamment ceux de Kenya Airways à partir de Nairobi, tandis que l'évacuation de ressortissants étrangers par des vols nolisés s'est intensifiée.

Les États-Unis ont prévu deux vols jeudi tandis que le ministère indien des Affaires étrangères a publié sur son compte Twitter des photos de ressortissants remplissant des documents dans le cadre de leur évacuation.