Le président nigérian Muhammadu Buhari était sous pression vendredi pour endiguer une vague de violence dans le Delta du Niger après de nouvelles attaques contre des pipelines revendiquées par un groupe rebelle menaçant le secteur pétrolier, crucial à l'économie du pays.

Les Vengeurs du Delta du Niger (NDA), un nouveau groupe rebelle séparatiste qui multiplie les attaques sur les plateformes off-shore et les oléoducs depuis le début de l'année, a revendiqué vendredi deux nouveaux raids, contre les oléoducs exploités par des filiales locales des ténors Shell et Eni.

« À 3 h locales aujourd'hui (2 h GMT vendredi, NDLR), @NDAvengers ont mené une attaque à l'explosif sur la ligne d'exportation Forcados 48 », ont soutenu les rebelles sur leur compte Twitter, affirmant avoir agi en représailles car Shell a passé outre ses « injonctions » à ne pas réparer cet oléoduc.

En février, les NDA avaient mené une attaque sophistiquée, avec des plongeurs professionnels, contre l'oléoduc sous-marin Forcados. Shell avait alors dû déclarer la « force majeure » sur les exportations de brut de ce terminal, des mesures exceptionnelles pour interrompre une partie de la production.

« Nous allons vous le faire regretter si vous commencez les travaux de réparation dans les pipelines de l'État (pétrolier) de Bayelsa », a menacé le porte-parole des NDA, Mudoch Agbinibo.

La filiale nigériane du groupe Shell, qui exploite ce pipeline en partenariat avec le groupe national NNPC et les filiales du français Total et de l'italien Eni, a aussitôt annoncé une enquête sur cette affaire et fait état de « signes de fuite » dans ce pipeline dont l'étendue doit encore être déterminée.

Militants pour l'indépendance 

Les NDA, qui militent pour l'indépendance de leur région, le nettoyage du désastre écologique dans le Delta du Niger et le départ des grandes compagnies pétrolières du secteur, ont revendiqué vendredi une seconde attaque, trente minutes après la première, contre un oléoduc du groupe Agip, filiale de l'italien Eni, dans l'État de Bayelsa.

Un haut responsable des forces nigérianes dans cet État du sud du Nigeria, Desmond Agu, a confirmé cette seconde attaque qui a mené, selon lui, à l'arrêt du flux du pipeline.

« Nous avons envoyé nos hommes et intensifions nos patrouilles dans le secteur. Nous travaillons jour et nuit pour protéger les infrastructures stratégiques de Bayelsa », a assuré M. Agu.

L'armée, qui qualifie ces rebelles de « terroristes économiques », a aussi déployé des bateaux et des avions de combat dans et au-dessus des criques et des marécages du Delta pour tenter d'y débusquer des combattants du NDA.

Recul de la production

Les Vengeurs du Delta du Niger posent un double défi, politique et sécuritaire, au président Buhari, qui a reconnu la semaine dernière qu'il fallait prendre la « situation très au sérieux » car « elle menace l'économie du pays ».

Pour Eric Omare, du Conseil des jeunes Ijaw, une organisation de défense de cette ethnie présente dans le Delta du Niger, le gouvernement doit en faire davantage car la « situation risque de se détériorer rapidement et devenir hors de contrôle ».

« Les événements (récents) dans la région menacent la sécurité, l'environnement et la sécurité de l'ensemble de la nation », a-t-il ajouté, appelant les rebelles et le gouvernement au dialogue.Les attaques des NDA, dont le nombre et l'identité des militants demeure un sujet de spéculations, ont contribué au recul de la production de pétrole, passée de 2,2 millions à 1,4 million de barils par jour, selon les autorités, son plus bas niveau depuis les années 1990.

Ce recul, doublé de la chute mondiale des cours du brut, fragilise les finances du Nigeria qui tire 70 % de ses revenus de l'or noir.

Dans la foulée de ces attaques, le président Buhari a annulé cette semaine une visite dans le Delta du Niger, où il devait se rendre pour la première fois, afin d'assister à la plus vaste opération de nettoyage jamais entreprise dans cette région.